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Riverains du village d'Akuedo (proche d'Abidjan) portant des masques protecteurs, 13 septembre 2006, REUTERS/Luc Gnago
Riverains du village d'Akuedo (proche d'Abidjan) portant des masques protecteurs, 13 septembre 2006, REUTERS/Luc Gnago

Côte d'Ivoire: Quelle indemnisation des victimes du Probo Koala?

Un volet financier avec soupçons de détournement et business autour des victimes réelles ou supposées continue d'alimenter le dossier des déchets toxiques déversés à Abidjan en 2006.

Mise à jour du 25 septembre 2012: Greenpeace et Amnesty International ont rendu public aujourd'hui un rapport intitulé "Une vérité toxique" basé sur trois années d'investigations concernant les déversements de déchets toxiques à Abidjan à la suite desquels 100.000 personnes ont dû être soignées. Les deux ONG demandent que la société mulitnationale Trafigura fasse l'objet d'une enquête pénale au Royaume-Uni.

*****

Décidément, les déchets déversés par le Probo Koala dans notre pays, en 2006, étaient vraiment toxiques. Voici que six ans après, ils viennent de faire une nouvelle victime, en la personne de notre ministre de l’Intégration africaine. Qui d’autre ces déchets emporteront-ils après lui?

Adama Bictogo, lui, a été emporté politiquement par cette affaire, mais si j’en crois le docteur Jean Kouamé Kan, enseignant-chercheur en hydrologie à l’université de Cocody, nous, habitants d’Abidjan, serions tous en danger de mort parce que la nappe phréatique qui nous fournit l’eau que nous consommons serait elle-même menacée par les déchets toxiques du Probo Koala.  Et selon lui, d’ici cinq à dix ans, cette nappe sera atteinte. Cinq ans, c’est tout près.

Quels risques encourons-nous?

Notre enseignant-chercheur ne nous a pas dit les risques que nous encourions. On se souvient que lorsque cette affaire avait éclaté, des scientifiques ou pseudo-scientifiques nous avaient anéantis avec des récits apocalyptiques. L’un d’eux avait même prédit un fort taux de fausses couches, d’enfants malformés, de cancers et d’autres maladies du même acabit, et, plus grave pour nous les hommes, une perte de notre virilité. Il y avait de quoi trembler.

Comme il n’y a pas de statistiques dans notre pays, je ne saurais vous dire si tout ce qui avait été annoncé s’est réalisé. On nous avait aussi annoncé, à cette époque, la contamination de notre précieuse nappe phréatique. Cela fait six ans que les déchets toxiques sont présents à Abidjan. Une société avait été payée très cher pour les enlever, mais elle ne l’a pas fait. Chacun de nous peut aller sur les sites concernés et s’en rendre compte par lui-même.

Alors, question: sommes-nous un peuple totalement irresponsable et /ou suicidaire, ou alors les scientifiques ou pseudo-scientifiques nous racontent n’importe quoi, car ces déchets ne sont pas ou plus toxiques? S’ils doivent réellement contaminer notre nappe phréatique, comme le prédit le docteur Jean Kouamé Kan, qu’attendons-nous donc pour les enlever? Est-ce une opération impossible?

Beaucoup d’argent a circulé

Il serait temps que nos pouvoirs publics nous disent définitivement quelque chose. Nous pouvons faire appel aux meilleurs laboratoires du monde entier pour savoir, une bonne fois pour toutes, si ces déchets sont vraiment toxiques ou non. En son temps, cette affaire avait vu circuler beaucoup d’argent.

Il y eut la prise en otage des deux dirigeants de la société Trafigura par le Chef de l’État d’alors, qui ne les avait libérés qu’après versement d’une rançon de 100 milliards de francs CFA (152 millions d’euros). Et plusieurs petits malins en avaient profité pour créer des associations de victimes qui ont plutôt servi à gruger les vraies et fausses victimes. Jusqu’à ce jour, des associations continuent d’en recruter.

Je connais des personnes vivant à Daloa qui n’ont jamais mis les pieds à Abidjan, que l’on a inscrites sur des listes de victimes des déchets toxiques. Régulièrement, des aigrefins font croire à des naïfs que des milliards vont, à nouveau, arriver pour les victimes, et des personnes vont s’inscrire sur des listes contre paiement d’une somme.

Le partage de l’indemnisation en question

Or, après l’enquête que nous avons réalisée à Fraternité Matin, il y a quelques semaines, et qui avait soulevé la colère de certaines associations de prétendues victimes, les 22,5 milliards de francs CFA payés par Trafigura au cabinet Leigh Day devaient servir à dédommager, une bonne fois pour toutes, toutes les victimes; lesquelles, à l’époque, avaient été évaluées à 30.000. Cet accord a été entériné par la justice britannique.

Cela veut dire que plus personne ne peut encore réclamer de l’argent à Trafigura parce qu’il aurait été victime des déchets toxiques. C’est le partage de ces 22,5 milliards de francs CFA (34 millions d’euros) qui vaut à Adama Bictogo ses ennuis actuels. Cela veut dire aussi que tous ceux qui continuent de s’inscrire sur des listes de victimes sont tout simplement en train de se faire gruger.

Il serait bon que nos autorités nous éclairent aussi sur toutes ces questions, afin que de pauvres naïfs tirant le diable par la queue ne se fassent plus escroquer. C’est leur responsabilité.

Venance Konan

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Venance Konan

Venance Konan. Ecrivain et journaliste ivoirien. Il a notamment publié le roman Les Prisonniers de la haine.

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