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Ben Ali intéresse-t-il encore son peuple?
Le procureur du tribunal militaire du Kef a requis le 24 mai 2012, la peine capitale contre Ben Ali. La Tunisie se sent-elle concernée?
Ce n’est une surprise pour personne. Le procureur du tribunal militaire du Kef (nord-ouest de la Tunisie) a requis, jeudi 24 mai 2012, la peine capitale contre Zine el Abidine Ben Ali (Zaba), président déchu de la Tunisie depuis sa fuite du pays le 14 janvier 2011.
Poursuivi avec vingt-deux hauts responsables de l’ancien régime pour leur rôle dans la mort de plus d’une vingtaine de manifestants en janvier 2011, notamment dans les villes de Thala et Kasserine, l’ancien président a été jugé par contumace pour complicité d’homicides volontaires.
Le verdict ne devrait pas être prononcé avant le jeudi 31 mai 2012 mais, de son exil en Arabie Saoudite, Zaba a fait savoir par son avocat Akram Azoury qu’il rejetait un jugement «à caractère politique et non juridique».
Très possible condamnation à mort de Ben Ali
Ce procès, avec une très possible condamnation à mort de Ben Ali, intervient dans un contexte politique tunisien très troublé. Outre les provocations salafistes, il y a aussi la mésentente cordiale qui s’est installée au sommet de l’Etat entre le parti Ennahdha et ses alliés du Congrès pour la république (CPR) et d’Ettakatol.
A cela s’ajoute aussi les divisions qui ébranlent l’opposition laïque qui n’en finit plus de vouloir se regrouper et de créer une nouvelle dynamique pour contrer les islamistes.
42% des Tunisiens interrogés regretteraient l’ère Ben Ali
Surtout, le procès de l’ancien dictateur a lieu dans une ambiance marquée par un réel désenchantement où, sans trop l’avouer publiquement, de nombreux Tunisiens se disent, qu’après tout, l’ancien régime avait du bon, ne serait-ce qu’en matière de paix civile. Ainsi, selon un récent sondage effectué par le cabinet Sigma Conseil et Le Maghreb, 42% des Tunisiens interrogés regretteraient l’ère Ben Ali.
Bien entendu, il est difficile d’évaluer correctement la pertinence d’un tel sondage, surtout dans une ambiance délétère et un comportement pour le moins désinvolte d’une partie de la classe politique tunisienne comme en témoigne la récente décision des députés de l’Assemblée constituante d’augmenter leurs émoluments.
Le jugement de Ben Ali
Alors que la crise économique et sociale frappe à tous les niveaux de la population, cette augmentation est mal passée et a convaincu nombre de Tunisiens que les nouveaux députés n’aspiraient qu’à une seule chose, celle de remplacer les représentants de l’ancien régime dont les avantages et privilèges avaient alimenté colère et frustrations.
En d’autres temps, c'est-à-dire quelques semaines ou quelques mois après la chute du régime, le jugement de Ben Ali – et même sa possible condamnation à mort- auraient contribué à ressouder les rangs des Tunisiens. Cela leur aurait permis aussi de renouer avec la joie et la solidarité qui furent les leurs au moment où le dictateur avait pris la poudre d’escampette en compagnie de sa femme.
A défaut, on sent une certaine indifférence vis-à-vis de ce procès même si la perspective d’une condamnation à mort alimente les conversations. De fait, outre leurs difficultés au quotidien, c’est aussi le fait que Ben Ali soit jugé par contumace qui explique cette distanciation des Tunisiens.
«On aurait aimé le voir traîné à la barre, être humilié par ses juges comme l’a été Saddam Hussein», explique un banquier tunisois qui reste néanmoins persuadé que l’ancien dictateur ne reviendra jamais dans son pays.
Effectivement, les autorités saoudiennes ont été catégoriques: hors de question pour elles d’accepter l’extradition de Ben Ali vers son pays.
Reste un possible retour volontaire motivé par la volonté de finir ses jours en Tunisie et par une certaine «fatigue» à vivre en Arabie. Une hypothèse qui a toutefois peu de chances de se vérifier si, d’aventure, le président déchu est condamné à mort par le tribunal militaire du Kef.
Akram Belkaïd
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