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Une femme burkinabé fabrique du beurre de karité, arbre sur lequel vivent les chenilles © TREEAID/Flickr
Une femme burkinabé fabrique du beurre de karité, arbre sur lequel vivent les chenilles © TREEAID/Flickr

Burkina Faso: Et si la chenille était la solution à la crise alimentaire?

Zoom sur un projet burkinabè qui associe lutte contre la malnutrition et innovation sociale.

Ils sont deux, au début, à avoir perçu l’abondance des chenilles de karité dans l’Ouest du Burkina Faso comme une solution pérenne et adaptée pour lutter contre la malnutrition. Ce problème toucherait environ 50% des enfants dans ce pays d'Afrique de l'Ouest.

Leur projet Faso Prot est né de cette volonté d’exploiter ce produit d’une grande valeur nutritive, déjà consommé et exploité dans la région entre juillet et septembre, et de le déployer sur tout le territoire burkinabè (notamment dans la région de Bobo-Dioulasso).

Kahitouo Hien et Douyiri Christophe Mandi sont des étudiants ingénieurs en microbiologie et nutrition à l'Institut international d'ingénierie de l'eau et de l'environnement (2iE) à Ouagadougou. Ils ont reçu le prix du Meilleur impact social du concours Global social venture competition (GSVC) réunissant des projets d’entreprises provenant de grandes écoles dans le monde.

De la solution humanitaire à l'innovation sociale

Ces chenilles représentent une ressource précieuse à exploiter: elles sont deux fois moins chères que la viande et contiennent trois fois plus de protéines. Mais c’est surtout l’impact social positif de ce projet qui le rend durable.

En effet, les deux ingénieurs ont décidé d’organiser localement la récolte de ces chenilles en milieu rural auprès de 2000 femmes la première année. Ce qui accroîtra naturellement leurs revenus et donc leur niveau de vie.

Par ailleurs, le produit sera vendu séché, comme on le consomme traditionnellement, mais aussi réduit en une poudre (enrichie en vitamines et minéraux) à intégrer dans l’alimentation. Ce complément alimentaire sera donc consommable toute l’année, un atout évident pour prévenir la malnutrition:

«cette poudre de chenille ne vise pas à résoudre une urgence, mais à prévenir la malnutrition. Elle intervient en amont des crises alimentaires», explique Kahitouo Hien.

Les ONG? Des soutiens, mais pas encore des clients

Contrairement à de nombreux produits tentant de palier les crises alimentaires en Afrique, Faso Prot vise donc à pérenniser l’alimentation des populations pauvres du Burkina Faso de façon durable. Alors pour l’instant, ce produit qui a l'avantage d'être adapté aux habitudes alimentaires locales n’intéresse pas vraiment les ONG. Selon Kahitouo Hien, ces dernières focalisent encore leur action sur les situations de crise:

«Nous n'allons pas produire une alimentation d'urgence, précise Kahitouo Hien. Les ONG que l’on a contactées pour faire une étude de marchés (MSF, Unicef, ACF etc.) sont intéressées, mais elles sont encore prises dans le débat sur la nécessité d’agir ou non en amont pour prévenir les crises humanitaires. Cependant, des ONG nous accompagnent pour la recherche et le développement.»

C’est pourquoi ce projet encore en essai en laboratoire va d’abord asseoir sa viabilité sur le marché local de la chenille séchée, avant d’investir dans les années à venir le marché de l’humanitaire. La récompense de 10.000 dollars du concours GSVC va déjà accélèrer le processus de mise en œuvre du circuit Faso Prot, qui devrait voir le jour avant 2013.

S'il fonctionne, ce projet d'agro-business pourrait se développer à terme dans les pays voisins où les habitudes alimentaires sont similaires. Actuellement, certaines régions du Mali auraient bien besoin de solutions pour prévenir la crise alimentaire qui guette.

Fanny Roux

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Fanny Roux

Journaliste à Slate Afrique

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