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Mali: La junte va-t-elle enfin se soumettre au pouvoir civil?
En acceptant le prolongement de la transition au profit du pouvoir civil intérimaire, la junte fait enfin preuve de bonne volonté. Mais faut-il en déduire qu’elle a définitivement renoncé au pouvoir?
Mise à jour du 21 mai: Le chef de l'Etat par intérim Dioncounda Traoré a été frappé et blessé par des manifestants qui ont investi le palais présidentiel à Bamako après avoir débordé les forces de sécurité, lundi 21 mai 2012. Les manifestants ont déclaré qu’ils ne quitteraient pas les lieux tant que le président intérimaire ne démissionnerait pas. Les forces de l’ordre ont répliqué faisant 3 morts parmi les assaillants. Dioncounda Traoré a été emmené d'urgence dans un hôpital. Ses jours ne seraient pas en danger.
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Le Comité national de redressement de la démocratie et de la restauration de l’Etat (CNRDRE) au Mali a fini par céder devant la pression des communautés africaines et internationales. Ce n’est vraiment pas trop tôt, diront les plus remontés contre cet entêtement du capitaine Sanogo et de ses hommes à imprimer leur rythme et leur volonté au processus de transition.
Il ne s’agit que d’un accord de principe
Le retour à l’ordre constitutionnel aurait pu gagner en temps si l’on avait pu faire l’économie des querelles de chiffonniers que l’insubordination de la junte n’a pas permis d’éviter. Mais le simple fait d’avoir obtenu des putschistes maliens qu’ils se plient au plan de normalisation proposé par la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (Cédéao) a déjà cela de réconfortant.
Même si, comme son nom l’indique, le dernier accord n’est qu’une entente de principe dont les conditions de mise en œuvre restent à préciser. Et c’est à ce niveau que la Cédéao doit faire preuve de plus de prudence pour clarifier les choses dès cette étape en vue d’éviter toute confusion ou ambiguïté préjudiciable à la bonne marche du processus.
Il est à craindre que le CNRDRE ait réservé plus d’un tour dans son sac pour, comme elle en a l’habitude, prendre ses interlocuteurs et autres protagonistes au dépourvu. Les bérets verts maliens avaient vraiment le dos au mur, acculés qu’ils étaient de toutes parts par les partisans de la gouvernance démocratique fondée sur un système constitutionnellement reconnu.
Ce n’est donc pas de gaîté de cœur qu’ils ont consenti à ce que le président intérimaire reste à la tête de la transition après l’expiration du délai de 40 jours qui lui ont été constitutionnellement accordés. C’est sans doute le cœur meurtri et avec amertume qu’après avoir usé de tous les moyens dont ils disposaient pour s’opposer farouchement à ce scénario, les auteurs du coup d’Etat ayant renversé le président Amadou Toumani Touré (ATT) ont plié l’échine.
Le vrai adversaire du pouvoir civil
Il ne serait donc pas étonnant qu’ils refusent de rompre en se mettant complètement au garde-à-vous devant le nouveau président de la transition et son Premier ministre. L’expérience a pourtant montré que l’entrée en caserne des militaires est indispensable au bon fonctionnement des institutions républicaines.
Osons donc espérer qu’en acceptant de renoncer à leur projet de reprise du pouvoir, le capitaine Sanogo et ses hommes tiendront parole, entendront enfin raison et arrêteront d’entraver le processus par des interventions inappropriées. De l’accord cadre à l’accord de principe, le chemin aura été suffisamment long pour que l’on s’inspire des erreurs commises pour aller un peu plus vite.
Car, l’on ne doit pas perdre de vue que la crise malienne ne se limite pas à la rupture de l’ordre constitutionnel, mais s’étend à l’occupation du Nord par les groupes islamistes et autres mouvements irrédentistes. La résolution de ce problème-ci risque d’être des plus difficiles et nécessite que le pouvoir de Bamako dispose de l’autonomie nécessaire pour agir de sorte à coordonner utilement toutes les actions à mener.
Le changement de statut du président Dioncounda doit forcément s’accompagner d’un renforcement de son pouvoir et de ses moyens pour lui permettre de mener à bien sa mission. L’obstacle Sanogo étant momentanément franchi avec le retrait pour le moment théorique de la junte de la sphère de décision, il reste l’adversaire le plus redoutable, à savoir les occupants anarchiques du Nord du pays.
Deux délicates questions restent à résoudre
Il faut surtout éviter de s’y méprendre en confondant les choses au point de ramener la résolution de la crise malienne au seul retour à l’ordre constitutionnel. La restauration de l’intégrité du territoire est tout autant urgente et primordiale que l’organisation des élections. Aucun scrutin normal, régulier et accepté par tous les Maliens ne saurait du reste se tenir sur la seule portion du territoire dont le pouvoir de Bamako a la maîtrise.
Le gouvernement de transition devra s’atteler à la fois à la mise en place des institutions nécessaires à l’organisation de la prochaine présidentielle et au rétablissement de l’unicité du pays. Les deux questions sont tellement imbriquées qu’il faut nécessairement trouver une formule bien agencée pour les régler de façon harmonieuse et concomitante.
Choisir de se préoccuper d’abord et uniquement de l’organisation de l’élection pourrait réserver des surprises désagréables en ce sens qu’il sera pratiquement impossible d’assurer son déroulement normal dans le Nord sous l’emprise des rebelles. La course d’obstacles est donc loin d’être finie pour le gouvernement malien de transition et ses alliés ; et il urge qu’ils s’entendent sur le bout par lequel ils devront entamer cette transition qui s’annonce fastidieuse.
La médiation et la Cédéao l’ont déjà subodoré en décidant de rester au plus près pour la surveiller comme du lait sur du feu, tout en n’excluant pas d’agiter l’épouvantail des menaces de sanctions. L’institution régionale recherchait un président de transition reconnu par la Constitution pour diriger le processus pendant un an; elle l’a obtenu. Elle devrait par conséquent être disposée à lui donner les moyens militaires nécessaires à la libération du Nord malien.
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