mis à jour le

Comment chauffer les foyers africains
Les foyers de cuisson améliorés contribuent à la lutte contre le réchauffement climatique, la déforestation et, plus généralement, la pauvreté. Zoom sur une pratique simple, mais révolutionnaire.
Des récipients en terre cuite, remplis de braises, et sur lesquels sont posées des marmites. Il s’agit là d’un équipement basique, mais aussi d’une méthode de cuisson qui pourrait s’avérer révolutionnaire si elle était généralisée. Le Sewa et le Nansu sont des foyers de cuisson améliorés étudiés pour minimiser la consommation de bois tout en s’adaptant aux traditions culturelles pour la cuisson. Et ça marche.
Aujourd’hui, on estime que cette technique pourrait permettre de lutter contre les changements climatiques, limiter la déforestation et améliorer les conditions de vie des populations les plus pauvres. Adaptée au contexte africain, cette méthode de cuisson améliore les conditions sanitaires, soutient le développement économique et permet un accès à l’énergie dans des zones isolées.
95% de l'energie est perdue
En Afrique subsaharienne, le nombre de personnes vivant avec moins de 1,25 dollars par jour est en augmentation et représente la moitié de la population, selon la Banque mondiale (2005). Sans accès à l’énergie, les familles doivent se contenter de bois de feu pour la cuisson des aliments. La consommation journalière est de 6 à 10 kg par famille, soit 2 à 4 tonnes par an et par famille.
Dans de très nombreux cas, le bois est brûlé entre trois pierres qui supportent une casserole ou un chaudron et près de 95 % de l'énergie est perdue. De plus, l’émission de fumées nocives à l’intérieur des habitations cause des dommages respiratoires, cardiaques et oculaires. Parmi les victimes, des femmes qui sont traditionnellement derrière les fourneaux, et souvent accompagnées d’enfants en bas âge.
Avec 750 millions d’habitants sur le continent africain, dont on estime que 55% vivent en zone rurale, c’est 275 millions de tonnes de biomasse qui partent en fumées lors de la cuisson des repas journaliers ou encore 360 millions de tonnes équivalent CO2 qui sont émis dans l’atmosphère.
Terre de fractures énergétiques
L’accès à l’énergie n’est pas réparti équitablement sur le territoire africain. La situation est particulièrement critique en Afrique subsaharienne où environ 77% de la population n'a pas accès à l'électricité. Cette région reste donc une zone d’action prioritaire.
A travers le programme CEnAO, nous diffusons des foyers de cuisson améliorés: le Sewa au Bénin et le Nansu au Mali. Ils permettent une réduction des émissions de gaz à effet de serre et des fumées nocives intérieures. De plus, en économisant jusqu’à 34% de combustibles par rapport au foyer traditionnel, le foyer évite la disparition du couvert forestier qui contribue au maintien du sol et donc limite l'érosion.
Des solutions durables
Pour assurer le développement du continent, en tenant compte de la croissance démographique, une gestion efficace et équitable du secteur énergétique est cruciale. Il n'est pas possible d'envisager à court terme d’arrêter l’utilisation du bois de feu. En revanche, il est urgent de développer sur une échelle massive la distribution de foyers améliorés.
Le changement d’échelle des filières a des retombées sociales importantes, touchant à la fois les entrepreneurs producteurs de foyers, les artisans (céramistes, forgerons etc.), les distributeurs et, plus largement, les ménages africains.
Perspectives africaines
La croissance démographique, plus rapide que sur les autres continents, et le développement seront les causes d’une demande croissante en énergie. De plus, la ressource du bois va devenir de plus en plus rare dans ces régions arides, et avec les effets des changements climatiques, les pluies seront sans doute de moins en moins fréquentes.
Il est nécessaire d’agir dès à présent pour répondre à l’urgence des changements climatiques et limiter la déforestation. La diffusion de foyers de cuisson améliorés répond à ces deux impératifs tout en participant à l’amélioration des conditions de vie des populations et au développement économique des pays.
Enfin, il existe un réel potentiel de développement des énergies renouvelables qui sont à l’heure actuelle insuffisamment exploitées. Ces énergies pourraient jouer un rôle de plus en plus important au cours des prochaines décennies.
Alain Guinebault
Cet article a initialement été publié sur Youphil
A lire aussi
Comment sauver le fleuve Niger
A bas le plastique, vive la banane