SlateAfrique

mis à jour le

Rwanda - Un journaliste emprisonné pour un lapsus sur le génocide

Pour un mot de travers, l’incarcération. Habarugira Epaphrodite, journaliste rwandais pour la radio communautaire Huguka qui émet depuis octobre 2010 dans le sud du Rwanda, est écroué depuis le 24 avril dernier à la prison de Gitarama.

Sa faute? Un lapsus lors de la présentation du journal du 22 avril, au cours duquel il évoquait la cérémonie de commémoration des victimes du génocide de 1994. Le journaliste a en effet confondu, en kinyarwanda, le terme de «victimes» avec celui de «rescapés», rapporte le quotidien rwandais The New Times.

Dès le lendemain de l’émission, la direction de la station avait décidé de licencier Habarugira Epaphrodite. Insuffisant pour les autorités qui estiment que le journaliste a tenté de minimiser le génocide. Une instruction a été ouverte à son encontre pour «propagation de l’idéologie du génocide».

La veille, le journaliste avait pourtant présenté le même bulletin d’information sans commettre de d'erreur et des confrères jugent le placement en détention provisoire excessif. Reporters sans frontières (RSF) dénonce également cette sanction:

«Sans justifier les paroles de Habarugira Epaphrodite, (nous) condamnons son placement en détention provisoire pour des propos qu’il a tenus à l’antenne. La privation de liberté fixée à trente jours par le Procureur est totalement disproportionnée au regard de la faute commise. Une telle mesure produit inévitablement un effet d’intimidation inacceptable pour toute la profession. Nous demandons à la justice la remise en liberté du journaliste afin qu’il puisse préparer sa défense dans le cadre d’un procès impartial et équitable.»

RSF milite en faveur de la dépénalisation des délits de presse au Rwanda. La Constitution du pays stipule que le «révisionnisme, le négationnisme et la minimisation du génocide sont punis par la loi». Sans plus de précision. Un texte vague qui peut, selon certaines critiques, être exploité à des fins politiques. Les autorités assurent, elles, que cette loi n’est en rien différente de celles qui, en Europe, condamnent la négation de l’Holocauste.

Début avril, la Cour Suprême avait condamné deux autres journalistes, Agnès Uwimana et Saidati Mukakibibi. Condamnées dans un premier temps à respectivement 17 et 7 ans de prison pour des articles jugés critiques à l’égard du gouvernement rwandais et du Président Paul Kagame, la Cour Suprême a réduit leurs peines à quatre ans et trois ans respectivement. Si elle a confirmé le chef d’atteinte à la sûreté de l’État, elle a par contre acquitté Uwimana des chefs de «minimisation du génocide de 1994 et de divisionnisme.

Lu sur The New TimesReporters sans frontières

A lire aussi

Les journalistes ont-ils le droit d'enquêter sur les accusations de génocide?

Rwanda: pourquoi le Canada extrade l'idéologue du génocide

France: A quand une loi sur le génocide rwandais

Rwanda: le mystère Agathe H.