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© Damien Glez, tous droits réservés.
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Hollande, une bonne nouvelle pour l'Afrique?

Les Africains en ont soupé de ces présidents français qui étouffent l’Afrique à force de trop l’embrasser. Sur ce point, l’élection de François Hollande tiendra-t-elle ses promesses de changement?

Avec près de 52 % des suffrages exprimés: le score de François Hollande parait sans appel, meilleur —s’il se confirmait— que les 51,76%, en 1981, de celui qu’on l’accusait d’imiter pendant la campagne: François Mitterrand.

Ce 6 mai, l’élection présidentielle française offre donc son second président socialiste à un palais de l’Elysée qui a connu six locataires depuis le début de la Ve République.

Si la mise à l’eau du changement tant annoncé semble se faire sans bavure, la traversée ne sera pas sans récifs. La présumée «folie dépensière» du nouvel élu sera-t-elle compatible avec la réduction impérieuse des déficits publics? La sensibilité de gauche du nouveau président lui permettra-t-elle de composer avec les conservateurs européens qui dirigent le Royaume-Uni, l’Allemagne ou l’Espagne?

Ses expériences trop partisanes ou trop locales auront-elles été suffisamment formatrices pour qu’il affronte les grands dossiers géopolitiques du moment? Sur l’Afrique, singulièrement, quelle impulsion donnera-t-il à la coopération nord-sud? Dans quelles proportions contiendra-t-il l'immigration économique venue de l’ancien pré-carré français? Avec quelle fougue défendra-t-il l’arrimage du franc cfa à une monnaie européenne “dépressive”?

Que connaît Hollande de cette Afrique

Une question brûle aujourd’hui les lèvres africaines plus que toute autre interrogation: que connaît Hollande-sorti-des-urnes de cette Afrique qui fut réduite à sa potion congrue et à sa représentation la plus caricaturale, au cours du débat télévisé du 2 mai dernier? Rien? Peut-être. Et tant mieux!

Le continent en a vu passer, des “spécialistes” de l’Afrique, tous plus amoureux les uns que les autres du continent originel. Tout particulièrement des présidents français convaincus qu’ils avaient la prescience du continent noir.

Faut-il regretter les amitiés diamantifères d’un Valéry Giscard d’Estaing que l’hebdomadaire français L’Express qualifiait, en 1979, de «Giscard l'Africain»? Faut-il avoir la nostalgie des opérations françaises armées en Mauritanie, au Tchad ou au Zaïre, souvenirs de cette époque où l’ancienne puissance coloniale avait la réputation de renverser les chefs d’Etat comme on mute un sous-préfet du Poitou?

Faut-il avoir la mélancolie du papa de “Papa-m’a-dit”, paternel que le même Express surnommait, en 1995, «Mitterrand l'Africain», mais dont le seul fait d’arme notable fut le discours mémorable de La Baule, ambitieuse harangue pourtant peu suivie d’effets?

Faut-il vraiment regretter la politique du plus populaire des présidents français sur le continent noir, le sincèrement épris d’Afrique que, L’Express, toujours, appelait «Chirac l'Africain», en 2007, à l’occasion de son dernier sommet Afrique-France? Faut-il se remémorer avec regret la résurrection, par le même Chirac, de l’autre Jacques, Foccart, statue du commandeur des réseaux d’influence de la Françafrique, ce système que François-Xavier Verschave dénonça comme «le plus long scandale de la République»?

Faudra-t-il regretter celui qui avait le moins vocation à être qualifié d’africain, mais que le quotidien Libération, l’année dernière, ou la radio France Inter, ce mois-ci, finirent par dénommer, sans originalité, «Sarkozy l'Africain»?

Ce président-là n’était pas censé connaître l’Afrique, ce qui ne l’a pas empêché de s’appuyer sur la plume présomptueuse de son “nègre” Henri Guaino pour tenter une leçon universitaire mal embouchée. L’Afrique était réputée l’intimider, ce qui ne l’a pas empêché de faire renouer la France avec les interventions militaires, de la Côte d’Ivoire à la Libye.

Sa virginité africaine a priori rassurante

Après les pillages, les offenses, la chicotte et les amitiés coupables, l’Afrique se laisserait bien séduire —si ce n’est déjà fait— par un frais émoulu président français qui n’aurait rien d’un «Hollande l’Africain».

Sa virginité africaine, a priori rassurante, pourrait être le gage qu’il ne considérera pas le continent noir comme le laboratoire d’expériences militaro-romantiques incontrôlées, comme un terrain de chasse conquis ou comme une résidence secondaire dont les concierges seraient des potes potentats.

Lui, président de la République, peut-être n’acceptera-t-il pas des djembés bourrés de devises détournées des maigres budgets d’Etats fragiles.

Lui, président de la République, peut-être hésitera-t-il à répondre aux invitations touristiques de puissants africains en passe d’être “malencontreusement” renversés et inopinément bavards.

Lui, président de la République, peut-être ne recevra-t-il pas avec faste les sombres autocrates qui continuent de souiller la réputation de l’Afrique.

Lui, président de la République, peut-être ne sera-t-il pas tenté par des remakes de l’opération “Barracuda”.

Lui, président de la République, peut-être ne distinguera-t-il pas, dans son tri des immigrés économiques, les pratiquants d’un culte musulman prétendument catalyseur de communautarisme.

Lui, président de la République, peut-être arrivera-t-il à ne pas donner de leçons aux Africains…

Pas plus que ses prédécesseurs, il ne considérera les intérêts africains comme indéfectiblement compatibles avec ceux de son pays. Normal. Pourvu qu’il ne couvre pas les pays africains de cette «affection» indécente qu’un excès de démonstration sirupeuse tend à contredire.

L’Afrique attend que vous cuviez votre victoire, monsieur Hollande. De pied ferme.

Damien Glez

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Damien Glez

Dessinateur burkinabé, il dirige le Journal du Jeudi, le plus connu des hebdomadaires satiriques d'Afrique de l'Ouest.

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