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Guinée Bissau - La Cédéao accentue sa pression

Les principaux leaders de l'ex-opposition en Guinée-Bissau ont finalement pris leurs distances lundi 16 avril avec les auteurs du coup d'Etat du 12 avril, alors que la pression internationale s'est accentuée sur les putschistes avec l'arrivée à Bissau d'une forte délégation ouest-africaine.

Moins de 24 heures après un accord pourtant passé par leurs propres partis avec la junte, les cinq candidats de l'opposition au premier tour de la présidentielle du 18 mars ont "fermement condamné" le "soulèvement militaire" et exigé "le retour rapide à l'ordre constitutionnel".

"Nous sommes choqués par ce (soulèvement)", a affirmé l'ex-président Kumba Yala, arrivé deuxième au premier tour derrière l'ex-Premier ministre Carlos Gomes Junior.

Le coup d'Etat est intervenu à un peu plus de deux semaines du second tour de la présidentielle du 29 avril entre Carlos Gomes Junior à Kumba Yala, qui avait refusé d'y participer invoquant des "fraudes massives" au premier tour. Son boycott avait été suivi par quatre autres candidats éliminés, faisant craindre des troubles dans ce pays au passé tumultueux et confronté aux activités des trafiquants de drogue.

Le 16 avril toute la journée, représentants de la junte et de l'ex-opposition ont poursuivi leurs discussions dans le cadre de l'accord passé la veille et qui prévoit notamment la création d'un Conseil national de transition (CNT).

Selon Henrique Rosa, battu au premier tour de la présidentielle, aucun des cinq candidats contestataires des résultats du scrutin ne participera au CNT. Il n'a toutefois pas précisé quelle sera l'attitude de leurs partis, notamment du Parti de la Rénovation sociale (PRS) de Kumba Yala.

Cet apparent revirement des chefs de l'opposition, alors même que leurs partisans continuaient de négocier avec les putschistes, est survenu à quelques heures de l'arrivée à Bissau d'une délégation de la Cédéao, forte de plusieurs ministres et chefs d'état-major de pays de la région.

La délégation, qui n'a fait aucune déclaration publique depuis sa venue, a rencontré des diplomates ouest-africains et poursuivait dans la nuit de dimanche à lundi une rencontre avec les militaires, avant une réunion avec la classe politique, d'après une source proche des discussions.

Elle devait repartir dans la nuit, selon une source à la Cédéao. Mais jusqu'à 00H30 mardi 17 avril (heure locale et GMT), aucune indication n'avait pu être obtenue sur la durée de la mission ouest-africaine ou un éventuel changement de programme.

Depuis le putsch, toutes les institutions du pays ont été dissoutes. Carlos Gomes Junior, favori du scrutin de fin avril, et le président par intérim Raimundo Pereira ont été arrêtés, ainsi que plusieurs responsables du Parti africain pour l'indépendance de la Guinée et du Cap-Vert (PAIGC, ex-pouvoir).

Le secrétaire général de l'ONU Ban Ki-moon a réitéré lundi son "appel pour leur libération immédiate", et estimé que les putschistes en Guinée-Bissau "ne font qu'aggraver la crise politique dans le pays en annonçant leur intention de mettre en place un gouvernement national de transition". Malade, souffrant de diabète, M. Gomes Junior a reçu samedi 14 avril la visite du Comité international de la Croix-Rouge (CICR), qui lui a donné des médicaments.

Lundi, dans les rues de Bissau, la plupart des administrations et des banques étaient fermées, en réponse à un appel à la grève générale contre le coup d'Etat. Echaudés par une longue expérience de coups d'Etats et violences politico-militaires depuis l'indépendance du pays en 1974, de nombreux Bissau-Guinéens fuyaient la capitale pour les provinces par crainte de violences.

Dimanche soir, la junte a annoncé la fermeture des frontières maritimes et aériennes après la décision du Portugal, ancien colonisateur, de dépêcher près de la Guinée-Bissau des moyens militaires navals et aériens, en cas de de nécessité d'évacuation de ses ressortissants. Dans la nuit de dimanche, un avion militaire portugais a atterri à Sal, au Cap-Vert, dans le cadre de cette éventualité.

Les putschistes ont averti que la violation de la fermeture des frontières entraînerait "automatiquement une riposte militaire", tout en acceptant une médiation de l'ancien président du Timor oriental et prix Nobel de la paix, José Ramos-Horta.

Lu sur AFP

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