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Tunisie - Ces islamistes «irresponsables» qui disent non à la charia
Ennahda renonce à inscrire la charia dans la Constitution. C'est le chef du parti islamiste vainqueur des élections Rached Ghannouchi qui l'a annoncé.
Le 26 mars, devant la presse, Ghannouchi a souligné que l'article1 de la Constitution de 1959, qui stipule que «la Tunisie est un Etat libre indépendant, et souverain, sa religion est l'islam, sa langue l'arabe et son régime la République», serait maintenu dans la Constitution.
«Beaucoup de Tunisiens ne comprennent pas la charia. Certains en ont même peur parce qu’ils l’ignorent. Pourquoi donc tout ce débat sur la charia qui risque de diviser les Tunisiens en deux camps. La charia n’est finalement qu’une émanation de l’islam. L’essentiel est que l’islam soit cité dans le texte de la Constitution comme étant la religion de l’Etat tunisien», a estimé M. Ghannouchi.
Les partis laïcs de l'Assemblée constituante tunisienne ont estimé le lendemain que le parti islamiste Ennahda avait «enfin» «levé l'ambiguïté» en renonçant à l'inscription de la charia dans la Constitution, se félicitant que les «faucons» d'Ennahda aient été mis en minorité.
La formulation de cet article 1 est suffisamment ambigu, selon les juristes, pour garantir à la fois le caractère séculier de l'Etat et son identité islamique.
L’éditorial du quotidien Le Monde daté du 28 mars salue «ces islamistes qui disent non à la charia».
Mais la presse française ne s’est-elle pas trop emballée après l’annonce du leader d’Ennahda? C’est en tout cas la position de Laure Gaida, une journaliste franco-tunisienne. Dans un article publié sur le site Al-Nawaat, elle s’étonne que la journée du 26 mars soit retenue par le grand quotidien français comme une date importante pour les Tunisiens. L’éditorial du Monde la laisse perplexe, car il salue cette initiative qu’il considère comme le «premier acte d’un vrai parti de gouvernement».
«Ah bon? Mais qu’est-ce qu’il y a à saluer au fond si ce n’'est le pouvoir des mots de monsieur Ghannouchi semble avoir sur la plume de cet éditorialiste français?», s’interroge la journaliste.
«Tunisie: Il en faut peu pour que Le Monde change d’avis», résume la journaliste dans son titre.
La tension n’est pas retombée en Tunisie, quelques jours après la manifestation de salafistes, le 25 mars, au cours de laquelle des artistes ont été agressés.
Ce gouvernement dit «responsable» par la presse française «a publié via le Ministère de l’Intérieur un communiqué stipulant qu’il n’y avait pas eu vraiment de violences et que la manifestation des salafistes a dévié de son itinéraire initial», ajoute-t-elle.
La journaliste dénonce fermement l’irresponsabilité du ministère de l’Intérieur et du gouvernement Ennahda face à l’extrémisme. A cet égard, l’occupation de la Faculté de Lettres de la Manouba par des groupes salafistes n’est qu’un exemple parmi d’autres.
Les suspicions d’une partie de la société tunisienne à l’égard de l’Assemblée constituante et du parti islamiste Ennahda restent fondées pour Laure Gaida.
«Ce que fait Ennahda, c’est tout simplement se racheter une image mise à mal depuis la profanation du drapeau par les salafistes et une inaction gouvernementale en matière de droits sociaux».
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