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Libye - L'Otan doit-elle dédommager les victimes civiles de ses bombardements?

Amnesty International estime que l’Otan n'a pas correctement enquêté sur les victimes civiles de sa campagne de bombardements aériens en Libye, rapporte The Guardian.

Agissant dans le cadre de la résolution 1973 du Conseil de sécurité des Nations unies, l'Otan a pris le commandement des opérations alliées en Libye le 31 mars 2011. Leurs opérations, achevées le 31 octobre, ont procédé à  26.000 sorties aériennes, dont 9.600 opérations de combat.

Le rapport d'Amnesty publié le 19 mars sur «les victimes oubliées des frappes de l'Otan», indique que des dizaines de Libyens qui n'étaient pas impliqués dans la guerre contre le régime de Mouammar Kadhafi ont été tués ou blessés par les bombes de l'Otan.

L'organisation de défense des droits de l’Homme cite 55 cas de civils, dont 16 enfants et 14 femmes, tués dans des frappes aériennes à Tripoli, Zliten, Majer (ouest), Syrte et Brega (est), sans qu'aucun élément n'indique une utilisation militaire des lieux au moment de l'attaque.

«Des enquêtes adéquates doivent être menées, et les victimes et leurs familles doivent être entièrement dédommagées» a insisté Amnesty.

L'objectif de ces enquêtes est de déterminer si ces décès de civils ont résulté d'une violation du droit international et si des responsabilités doivent être engagées, explique le quotidien anglais.

Selon Donatella Rovera, conseillère d'Amnesty chargée des situations de crise:

«Les responsables de l'Otan ont souligné à maintes reprises leur engagement à protéger les civils. Ils ne peuvent aujourd'hui balayer les décès de dizaines de civils par de vagues déclarations sur leur regret sans enquêter convenablement sur ces incidents meurtriers.»

«Il est profondément décevant de constater que plus de quatre mois après la fin de la campagne militaire, les victimes et les proches des personnes tuées par des frappes aériennes de l'Otan ne savent toujours pas ce qui s'est passé et qui est responsable», a-t-elle déploré.

Des enquêteurs du Conseil des droits de l'homme de l'Onu ont souligné dans un rapport publié début mars que les forces de l'Alliance atlantique ont été responsables de pertes civiles en Libye malgré des «précautions considérables» pour tenter de les éviter.

Amnesty admet que «dans la quête de ses objectifs militaires, l'Otan semble avoir produit des efforts significatifs pour minimiser le risque d'occasionner des victimes civiles, y compris par son recours à des munitions à guidage de précision et dans certains cas en menant des frappes nocturnes après avoir diffusé des avertissements aux habitants des zones visées».

Mais ces précautions n'exonèreraient pas l'Otan de la nécessité d'enquêter sur tout incident meurtrier et d'indemniser les victimes ou leurs familles.

Or, se basant sur des témoignages recueillis en janvier et février, Amnesty déplore que ni l’Alliance ni les nouvelles autorités libyennes n’aient pris contact avec des survivants et des proches de victimes.

Maria Khodinskaïa-Golenichtcheva, diplomate de la mission russe à l'ONU à Genève estime que «… de nombreuses violations des règles du droit international et des droits de l'homme ont été commises pendant cette campagne».

De son côté, Amnesty estime que «l'Otan devrait expliquer quelles mesures elle a prises pour assurer son respect des règles du droit humanitaire international (...) A chaque fois que des preuves recevables et suffisantes de violations du droit humanitaire international seront découvertes, les responsables devront être traduits en justice».

Ces frappes qui ont joué un rôle clé dans la chute du régime ont creusé un fossé au sein du Conseil de sécurité, où la Russie, la Chine, l'Afrique du Sud et l'Inde ont estimé qu'elles allaient nettement au-delà du mandat de l'ONU tandis que les Etats-Unis, le Royaume-Uni, la France et l'Allemagne assuraient qu'elles étaient légales et sauvaient des vies.

Lu sur The Guardian

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