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Pourquoi les musulmans n'ont pas à rougir de la viande halal
Les tabous alimentaires et les interdits culturels, aussi archaïques qu'ils soient, sont également répartis parmi toutes les traditions et les religions.
D'après Sarkozy, la principale préoccupation des Français est la viande halal, réduisant ces derniers à des tubes digestifs sans cerveau ni conscience politique. Mais pour les adeptes de la viande halal, ce n'est qu'un tabou alimentaire comme il y a en a beaucoup sur la planète.
Les Juifs ne mangent pas de porc, de chameau, d'âne, d'autruche, de crustacés ou de lapin, et ne mélangent jamais la viande et les produits à base de lait. Les Musulmans ne mangent pas de porc non plus et partagent avec les Juifs beaucoup d'interdits alimentaires comme les reptiles, les amphibiens, les éléphants, les ours et les ongulés non ruminants.
Les Chrétiens ne mangent pas de chien, de chat et d'insectes à l'inverse des pays d'Asie de l'Est et les adventistes (Chrétiens) ne mangent pas de porc, sont généralement végétariens et ne boivent pas d'alcool. Les Hindouistes et Bouddhistes ne mangent pas de viande tout court, les Alévistes kurdes ne mangent pas de lièvre, les Zoroastriens iraniens ne mangent pas de champignons et les Vikings ne mangeaient pas de poisson.
A chacun son interdiction alimentaire
Les tabous alimentaires et les interdits culturels, aussi archaïques qu'ils soient, sont également répartis parmi les traditions et les religions. Toutes? A ce titre, il faut bien admettre que sur ce plan, les Chrétiens et les Animistes africains ont réglé pas mal de questions:
«quand l'Homme est passé au régime omnivore et s'est mis à manger de tout, il a conquis la planète au détriment de toutes les autres créatures, coincées dans leurs régimes alimentaires», explique un nutritionniste algérois qui a préféré garder l'anonymat.
«On pourrait extrapoler ce principe à toutes les civilisations», ajoute-t-il avec un sourire, «et rejoindre Guéant le cochon en disant que les civilisations supérieures aux autres sont celles qui mangent de tout.»
Le sang doit couler
L'abattage selon le rite musulman est bien réglé depuis la nuit des temps, tout comme son équivalent juif. La bête doit être consciente au moment de sa mort (d'où l'interdiction de l'étourdissement), être positionnée en direction à l'Est (la Kaâba de La Mecque et le levant), égorgée et se vider de son sang avant d'être consommée. Ce rite, qui renvoie au sacrifice d'Abraham, présent dans les trois grandes religions monothéistes, est resté en l'état, survivance de vieux sacrifices pré-islamiques.
Comment légiférer sur ces rites en Europe, où les communautés sont si nombreuses? En attente d'uniformisation en la matière, chacun voit à sa porte et les vaches sont relativement bien gardées; en France par exemple, seul l'abattage musulman est autorisé, dans des conditions très règlementées, alors qu'en Allemagne par contre, seul l'abattage juif est permis. Mais la viande halal est-elle la norme?
Non, si de l'avis des spécialistes, la viande est bien meilleure quand le sang ne se fige par à l'intérieur du corps, beaucoup de Juifs et Musulmans mangent au Mac Donalds tout à fait normalement, alors que la viande n'y est pas Halal.
«Mais les poissons, oiseaux et crustacés sont-ils égorgés?» se demande encore le nutritionniste algérien.
«Et les crevettes, interdites aux Juifs mais très appréciées des Musulmans, pourquoi ne sont-elles pas soumises au même rite?»
Il n'y a pas de réponse à cette question, la crevette, créature de Dieu ayant elle aussi du sang et une tête et les traditions étant ce qu'elles sont. Toutefois, en l'absence de précisions, un très vieux proverbe arabe confie une généralité: «Mange chez le Juif mais ne dors pas chez lui, dors chez le Chrétien mais ne mange pas chez lui.»
Le dommage collatéral du sanglier
En Afrique du Nord, le sanglier, cousin sauvage du porc, pullule. Il n'est pas consommé et pas chassé, à tel point qu'il arrive d'en voir même dans les villes traverser aux passages piétons. Dans les montagnes et forêts, il s'est tellement développé en l'absence de prédateurs qu'il pose problème, étant un ongulé non ruminant et de fait, interdit par les Juifs et Musulmans.
Pourtant, en attendant une fatwa salvatrice à l'image de cette ancienne interdiction levée de la consommation de dromadaire (les nomades y étaient bien obligés), dans les montagnes du Maghreb, on consomme bien du sanglier. La viande ovine et bovine y est très chère et la Sourate 6 (verset 146) du Coran est là pour adoucir les interdits alimentaires:«Si quelqu'un y est contraint, que ce soit par le besoin et non pas par l'appétit sensuel ou comme transgresseur ; certes. Dieu est indulgent et miséricordieux.»
Le sanglier est officiellement interdit à la vente mais en Kabylie par exemple, dans certains bars, on offre des brochettes de sanglier puisqu'on ne peut pas en retirer de l'argent. Les amateurs sont formels, le sanglier est propre et se nourrit d'aliments naturels contrairement au porc, très sale et qui mange ses propres excréments.
Mais, toujours pour notre nutritionniste tatillon: «la poule elle-même mange ses propres excréments et n'est pas considérée comme impure.»
Et d'ajouter: «pourquoi chercher une logique dans les tabous alimentaires, comme s'il y en avait une dans les rituels de prière des différents religions?»
Quid des liquides?
Les Musulmans, tout comme les Hindouistes, les Mormons ou les Chrétiens adventistes interdisent formellement l'alcool. D'ailleurs, il n'y a pas de différences de degré (sans jeu de mots) entre les deux, l'alcool et la viande de porc sont considérés par l'Islam comme deux interdits équivalents, positionnés dans la même hiérarchie de l'illicite contre le licite, du Haram contre le Halal. Pourtant, les Etats du Maghreb vendent officiellement de l'alcool mais interdisent formellement la production et la vente de viande de porc. D'ailleurs, un bon nombre d'Algériens, de Maghrébins et de Musulmans d'une façon générale, boivent de l'alcool mais ne mangent pas de porc, interdit parmi les interdits.
En se permettant l'un mais pas l'autre, notre immoral nutritionniste, qui boit (publiquement) et mange du porc (mais en cachette), s'est demandé pourquoi. Après enquête, il a eu la réponse d'un buveur invétéré :
«Je sais pourquoi l'alcool a été interdit, ivresse, perte de réflexe et violence parfois. Par contre, je ne sais toujours pas pourquoi le porc a été interdit et quels sont ses effets sur l'organisme. Donc je me méfie et je n'y touche pas.»
Les interdits sont ce qu'ils sont, plus souvent culturels que religieux, et si Sarkozy a réduit le débat politique à de la culture de base (faut-il ou pas manger halal?), il est lui aussi victime du même réflexe. Il ne sait pas où est le problème de l'Islam mais est convaincu qu'il y en a un.
Chawki Amari
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