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Sénégal: l'antichambre du chaos
Le 26 février, des millions de Sénégalais ont voté. La majorité d'entre eux ne souhaite qu'une chose: le départ de Wade.
Mise à jour du 27 février: DAKAR - Le président sortant Abdoulaye Wade, candidat contesté à sa propre succession au Sénégal, a estimé aujourd'hui, au lendemain du scrutin sur la base de résultats provisoires, que tout est encore possible, sa victoire dès le premier tour ou la nécessité d'en disputer un second.
«Le recensement qui à l'heure actuelle porte sur 282 collectivités locales sur 551, soit la moitié, nous classe en tête avec 32,17%, et 25,24% pour mon suivant. Tout est donc encore possible, victoire ou second tour», a déclaré M. Wade au cours d'une conférence de presse.
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Les Sénégalais sont allés finalement aux urnes le 26 février. Une étape a été donc franchie, mais le plus difficile semble être l’attente, sinon l’acceptation de la vérité des urnes. On n’a pas besoin d’être un devin pour savoir que les violences qui ont émaillé tout le processus électoral risquent fort d’amener les acteurs en compétition à contester les résultats des urnes.
Après s’être battue bec et ongles contre la candidature de Abdoulaye Wade, l’opposition a clairement affirmé qu’elle ne reconnaîtrait pas celui-ci comme président au cas où il viendrait à remporter le scrutin.
Pour rester toujours dans cette logique, elle a appelé les Sénégalais, à la veille du scrutin, à voter sans tenir compte du candidat Abdoulaye Wade. Et pendant ce temps, ce dernier a laissé entendre qu’il remporterait l’élection au premier tour. Cela parce qu’il estime que l’opposition n’a pas véritablement battu campagne, mais a plutôt misé sur l’organisation des manifestations à Dakar.
Même si cet argument semble léger, reconnaissons qu’il renferme une certaine vérité. Gorgui a effectivement parcouru les quatre coins du Sénégal alors que, par exemple, le candidat de la coalition Benno Siggil Senegaal Moustapha Niasse et les siens ont brillé par leur absence dans nombre de régions de la Téranga.
Wade va-t-il se succéder à lui-même?
Le fait est que des observateurs avertis se demandent si cela ne va pas profiter à leur adversaire qui a mis toutes les chances de son côté pour assurer sa réélection. On peut certes ne pas condamner de facto l’attitude de l’opposition. Cependant, reconnaissons que le combat pour lequel elle a déployé tant d’énergie, s’est soldé par un premier échec.
Wade a pu se présenter à la présidentielle. C’est vrai qu’on peut reprocher à ce dernier d’avoir usé de tous les moyens pour se présenter à l’élection sans tenir compte des conséquences que cela pouvait engendrer. Mais on peut tout autant fustiger l’opposition pour sa désunion, même si le vétéran Moustapha Niasse la qualifie de diversité.
A cette posture malheureuse de l’opposition, s’ajoute la détermination d’Abdoulaye Wade à briguer un troisième mandat. On est amené à se demander qui pourrait l’arrêter si d’aventure il était réélu. Les propositions de transition faites par l’ex-président nigérian, Olusegun Obasanjo ne lui font ni chaud ni froid. Ne les a-t-il pas d’ailleurs rejetées en bloc ?
A vrai dire, cette élection constitue un gros nuage dans le ciel sénégalais. Si le président sortant Abdoulaye Wade la remporte, le Sénégal risque de basculer dans une longue période de violence. Si l’opposition remporte la victoire, rien ne garantit que le vieux de 85 ans, qui participe à son 7e scrutin avec deux victoires au compteur, acceptera de céder le pouvoir.
C’est dire que le Sénégal est dans un cul-de-sac. L’analyse des événements qui ont marqué la campagne électorale oblige à dire que cette présidentielle est une antichambre du chaos. Sauf, bien sûr, miracle. Les acteurs de la scène politique sénégalaise sauront-ils faire preuve de sagesse?
Il faut souhaiter, qu’Allah le miséricordieux épargne le pays de Léopold Sédar Senghor d’actes peu glorieux dont il n’a pas besoin pour façonner son histoire. Le tableau politique est déjà assez sombre avec le nombre de morts enregistrées au cours de cette élection. Il serait dommage d’en rajouter.
Mais l’on peut d’ores et déjà saluer le comportement des 5 millions d’électeurs inscrits qui sont allés voter sans se livrer à des scènes de violences. Même dans les régions où l’on craignait le pire, telle la Casamance, rien de grave n’a été signalé.
Reste que cela n’éloigne pas le Sénégal de l’œil du cyclone. Signe des temps: le président Wade a été hué lors de son vote. Autant dire que pour le Sénégal, on croise les doigts.
Dabadi Zoubara (Le Pays)
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