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"Une mort sociale et psychologique" pour les migrants ivoiriens rapatriés

Le sociologue ivoirien Fahiraman Rodrigue Koné, co-auteur d'un récent rapport sur les "retournés", ces Ivoiriens ayant échoué dans leur projet d'émigration clandestine, déplore la "stigmatisation" dont ils sont victimes à leur retour et prône un meilleur accompagnement.

Plus de 1.700 Ivoiriens ont à ce jour été rapatriés de Libye. Soutenu par l'Organisation internationale pour les migrations (OIM) et l'Union européenne, le gouvernement - et des ONGs - travaillent à leur réinsertion.

Q - Après plusieurs crises, la situation en Côte d'Ivoire, première économie francophone d'Afrique de l'Ouest, s'est stabilisée. Pourquoi des milliers de jeunes émigrent-ils clandestinement en Europe au péril de leur vie ?

R - Ceux qui partent ont entre la vingtaine et la quarantaine, ils ont une capacité de créativité, une débrouillardise dans l'informel qui sont très peu regardées par l'Etat. Ces départs sont une stratégie de résilience vis-à-vis de l'irrégularité de leurs revenus ou de leur sous-rémunération. L'Etat n'arrive pas à résorber ce chômage des jeunes, qui sont le plus frappés par la pauvreté. Souvent scolarisés que jusqu'au secondaire et en fragilité économique, ils n'ont pas d'espoir d'ascension sociale. Leur profil ne leur donne que peu de chances d'un visa pour l'Europe.

Dans plusieurs villes, la crise des économies locales est à l'origine de ce déficit d'emploi. A Daloa, très touchée par la migration irrégulière (...), le déclin du tissu industriel a entraîné la fermeture d'usines. Les entreprises privées qui s'installent ne sont pas arrivées à créer une dynamique de transformation de l'économie.

Il y a aussi un problème en terme de redistribution de cette croissance qui reste captée par des élites. 

Ce phénomène migratoire donne une image contradictoire du pays. Pour attirer des financements extérieurs, le gouvernement communique abondamment sur un pays qui sort de crises et connaît des performances économiques extraordinaires. Face à cette image, celle des migrants clandestins, ça ne fait pas beau...

Q - A quelles difficultés font face ces "retournés" ?

R - Ne pas réussir cette migration est tragique pour ces jeunes, c'est perçu comme une mort sociale et psychologique et un déshonneur. Des discours entremêlant railleries et stigmatisations se construisent autour d'eux dans leur communauté.

Les plus courageux arrivent à y faire face et réinvestissent dans les secteurs d'activité qui étaient les leurs avant le départ. Cependant, le redécollage est difficile, car ils ont investi les ressources financières qu'ils avaient dans la préparation du voyage. Leur accompagnement, dans l'accès aux crédits des banques par exemple, est une nécessité. Et les considérer comme des actifs économiques porteurs de projets et non comme des victimes à assister.

Pour éviter la récidive, il faut faire très attention de ne pas orienter la sensibilisation uniquement sur les risques de cette migration. Car les candidats ont développé des ressources psychologiques qui leur permettent de surmonter cela. Ce n'est pas le danger qui leur fait peur (...), c'est de ne pas être capable d'assumer leurs responsabilités dans la famille.

Q - Quelle approche privilégier pour mieux sensibiliser les candidats au départ ? 

R - Il faut sortir de la rhétorique moraliste et infantilisante du discours sur les jeunes migrants qui les considère comme des individus naïfs. Il faut développer la sensibilisation à partir des outils de communication des jeunes (Facebook, Messenger, WhatsApp); les kiosques à café, les gares, etc... doivent aussi être mobilisés.

Dans la communauté musulmane malinké, dont sont issus nombre de ces migrants, il y a une forme de responsabilité précoce attribuée aux jeunes. Dès qu'un enfant a 15 ans, un père lui demande de ramener +quelque chose+ à la maison, dans une logique de solidarité familiale. Il s'agit de familles polygames et la compétition s'engage autour des enfants. Cette pression sociale joue un rôle important dans la construction du projet migratoire. 

Dans plusieurs quartiers des villes de Daloa et Anyama (sud), on nous a rapporté que près de 80% des familles vivaient de l'argent des migrants. Mais il faut éviter les discours moralisants. Vous n'allez pas en vouloir aux familles de prendre l'argent des migrants pour pouvoir payer les frais de santé dans le privé parce que l'hôpital public ne fonctionne pas, de payer l'éducation des enfants dans le privé parce que l'école publique ne fonctionne pas, etc...

AFP

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