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Les éléphants avaient-ils la grosse tête?
Tout au long de la compétition, les Ivoiriens ont joué les stars et se sont montrés trop confiants. L'inverse des Zambiens victorieux.
Dimanche 12 février, 21 heures, stade de Libreville. La finale de la CAN 2012 a commencé depuis une demi-heure et, déjà, les supporters neutres ont retourné leur veste. Les «Drogba! Drogba!» ont été remplacés par des «Chipolopolos! Chipolopolos!» Bien avant celle du terrain, c'est la bataille des tribunes qu'a remporté la Zambie.
Doués et humbles
Il faut dire que, un mois durant, ces sympathiques joueurs, quasi-anonymes avant le début de la compétition, ont mis tout le monde dans leur poche par leur sourire, leur disponibilité et leur enthousiasme autant que par leur jeu. A l'image de leur sélectionneur, le Français Hervé Renard, les Zambiens ont montré qu'on pouvait gagner une grande compétition sans verser dans la paranoïa.
Jugez du peu. A la veille de la finale, Hervé Renard et ses hommes débarquent pour les traditionnelles conférences de presse d'avant-match. La première au Gabon pour les Chipolopolos qui ont passé le premier tour en Guinée équatoriale. Entouré de Kennedy Mweene, le gardien, Christopher Katongo, le capitaine, et Emmanuel Mayuka, la star de l'équipe, le technicien français annonce d’emblée aux journalistes présents sur place:
«Commencez par les joueurs. Eux, ils sont là pour une demi-heure. Après, ils doivent faire la sieste. Ne vous inquiétez pas, moi, je suis là jusqu'à 13 heures.»
Au moment où l'ancien adjoint de Claude Leroy prononce ces mots, il est 11 heures pétantes. Deux heures avec un sélectionneur à la veille du match le plus important de sa carrière? C'est inespéré pour tout journaliste sportif! D'autant que l'intéressé se livre avec plaisir et enchaîne les bons mots avec le sourire. En anglais comme en français. Que ce soit sur ses éternelles chemises blanches, le jeu de son équipe, son statut d'inconnu avant la CAN, son passé ou bien son futur adversaire... Renard répond directement et franchement.
Des Eléphants en autarcie
Un contraste saisissant avec les Eléphants. Les grands favoris de la compétition se sont enfermés dans un véritable bunker d'où rien ne filtrait. D'ordinaire si souriants et disponibles, les Souleymane Bamba, Didier Zokora, Gervinho, Siaka Tiéné ou Copa Barry devaient se contenter du strict minimum. Repliés, voire carrément renfermés, sur eux-mêmes, les hommes de François Zahoui ont vécu en autarcie un mois durant.
C’est bien simple, la Fédération ivoirienne a dressé une véritable muraille autour de ses internationaux avec, Eric Kacou, l’attaché de presse de la sélection, en garde-chiourme. Le but? Permettre aux joueurs de se concentrer sur leur CAN. Cette Coupe d'Afrique qu'ils n'ont d'autre choix que de gagner.
Un objectif louable mais qui, dans les faits, empêche les journalistes de faire leur travail en dehors des points de passage obligés que sont les conférences de presse d’avant et d’après match. Même les proches de la famille sont laissés à la porte d'un hôtel transformé en coffre-fort: gardes armés et contrôles à l'entrée, fils barbelés et caméras vidéos tout autour.
Pour vivre heureux, vivons caché? Connaissant les internationaux ivoiriens, pas sûr que cette recette ait eu une influence positive. A l’heure du tout communication, où Twitter, les SMS et autres e-mails sont légion, des fuites sont toujours possibles. Même si les promenades des joueurs aux abords du stade de l’Amitié de Libreville se font sous haute protection policière. Même si les Eléphants avaient interdiction de répondre à leurs téléphones portables la veille de la finale.
Une culture du secret qui a confiné au ridicule quand Didier Drogba, le capitaine des Eléphants, refuse de parler à la presse écrite sous un prétexte fallacieux: à en croire nos confrères ivoiriens, ces malheureux scribouillards auraient eu le malheur de critiquer les performances du joueur de Chelsea.
Un crime de lèse-majesté pour ces pauvres plumitifs, privés de la bonne parole du roi Drobga. Tant pis, ils feront ça et devront se contenter des «seconds couteaux» que sont Zokora, Gervinho ou Kalou en conférence de presse ou bien Bamba et Barry en zone mixte.
Un sacré contraste avec une majorité des sélections présentes sur le sol gabonais. Les Panthères locales, pourtant placées sous une pression terrible par leurs propres supporters, ont semblé plus abordables. Même son de cloche pour le Niger, le Ghana, la Tunisie, le Mali ou le Maroc... où joueurs et journalistes se côtoient dans un respect mutuel qui n’a pas empêché les Chipolopolos de remporter la première CAN de leur histoire.
Dimanche, à Libreville, la Zambie a donc disposé de la Côte d'Ivoire. Avec le sourire. Et c'est aussi ça, à n'en pas douter, le principal enseignement de cette Coupe d'Afrique des Nations: on peut aussi gagner sans se prendre la tête.
Nicholas Mc Anally
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