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Alger-Damas: Bouteflika est-il un traître?
La vidéo du drapeau algérien brûlé en Syrie ne vient que rappeler les tâtonnements d’Alger dans la crise syrienne.
On dit le pays à l’écart des révolutions arabes, l’Algérie vient d’être rattrapée par la lame de fond qui traverse tous les régimes autoritaires de la région. Pour preuve, une vidéo postée sur YouTube le 13 février dernier, où l’on peut voir le drapeau algérien brûlé par des manifestants syriens. C’est en tout cas le scénario retenu par la presse et les autorités algériennes. Première séquence de la vidéo, le drapeau algérien se consume sur une place publique. Le feu prend. Derrière le drapeau, c’est l’Etat algérien qui semble être la cible de l’attaque.
«Khayen (traître ndlr), Khayen, Bouteflika Khayen clament les manifestants présents autour du drapeau», écrit le site Dernières nouvelles d'Algérie. Difficile de jauger l’ampleur de l’évènement: les plans sont resserrés sur le drapeau puis sur les pancartes, sur lesquels figure un message critique à l’encontre des autorités algériennes:
«Il apparait que les hommes d'honneur de l'Algérie sont tombés au champ d'honneur en 1992 et il ne reste que leurs résidus et l’honnête Anwar Malek (ce journaliste algérien qui avait démissionné de la mission des observateurs de la Ligue arabe ndlr). En raison de la position de l'Algérie, nous brûlons le drapeau de l'Algérie jusqu'à nouvel ordre... sans aucun regret envers son peuple et son gouvernement.»
Au-delà des pancartes, une foule scande des slogans en arborant les drapeaux de la Libye, la Tunisie et celui de la Syrie libre. Au loin, deux hommes haranguent la foule sur un rythme de dabké. La vidéo tourne rapidement sur la Toile et ne tarde pas à faire parler d'elle. La presse s’en empare, ainsi que le ministre des Affaires étrangères Mourad Medelci qui profite d’une conférence de presse conjointe avec son homologue espagnole pour fustiger de tels actes.
«C’est un comportement indigne et inacceptable à la fois, a-t-il affirmé avant d’ajouter que ce genre de comportement n’était pas l’œuvre du peuple syrien mais de parties irresponsables et probablement non informées sur la position algérienne»
Quelle est la position algérienne?
Depuis la prise en main du dossier syrien par la ligue des Etats arabes, l’Algérie s’est toujours montrée plus réservée et distante que ses frères du Golfe. En novembre dernier, lors du vote sur la suspension de la Syrie, Alger s’était démarqué en appelant à une sortie de crise arabe et en ne rappelant pas son ambassadeur à Damas. On disait la diplomatie algérienne timide dans ses positions à l’égard de Damas.
«Au début, même si Alger condamnait la violence, elle ne voulait pas se mouiller et évoquait son cher principe de non-ingérence dans les affaires internes des pays», confie Hocine Lamriben, journaliste algérien au quotidien al-Watan.
Hocine Lamriben remarque toutefois une certaine inflexion de la diplomatie algérienne. Alger ne pouvait pas rester dans le déni de réalité. Mais nombre d'Algériens ne sont pas dupes et voient dans la timidité d'Alger, une complaisance à l’égard du régime syrien.
«Nos dirigeants ne cherchent pas le pousser à la porte, comme le font les pays du Golfe, encore moins à réclamer son départ. Alger appelle au dialogue. C’est bien, mais un pareil dialogue entre l’opposition syrienne et le régime n’a pas de sens au milieu du chaos et du massacre», ajoute Hocine Lamriben.
La vidéo du drapeau algérien brûlé ne vient que rappeler les tâtonnements d’Alger dans la crise syrienne. Une position insoutenable pour nombre d’Algériens inondés d’images de guerre venant de Homs, Idleb ou Hama.
Encore une fois, le régime donne l’impression de vivre sur un ilot, loin des revendications des manifestants syriens demandant la chute de Bachar al-Assad. Dans un communiqué rendu public, la coordination algérienne de soutien à la révolution syrienne s’est dite indignée par cette position qui «confirme le soutien du régime algérien au criminel Bachar Al Assad au détriment du peuple syrien».
Nadéra Bouazza
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