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Cameroun - La justice pénale la plus lente du monde?
Les détenus de la prison de Bafang, à l'ouest du Cameroun, n'en peuvent plus d'attendre. Après de multiples comparutions et mises en délibéré, ils sont toujours en attente d'un verdict. Quand sauront-ils à combien d’années de détention ils sont condamnés? Nul ne peut le dire.
Accusé de vol aggravé, Claude Mbesso est passé plusieurs fois devant le juge. Il attend depuis 14 ans le verdict de son procès.
«Mon dernier jugement date depuis de nombreuses années. A l’heure où je vous parle, je suis toujours prévenu dans ce dossier-là. Je ne connais pas ma situation.»
Elvis Lakeu Djeuka, tout comme son compagnon de cellule, est emprisonné depuis quatre ans: «J’ai comparu plusieurs fois à la barre. Mon affaire a été mise en délibéré. Jusqu'à présent je ne fais qu’attendre».
Pour le régisseur de la prison, cette lenteur est due au nombre insuffisant de magistrats au Cameroun. Mais à Bafang, il est aussi très difficile d’avoir accès à une assistance judiciaire. Les avocats viennent d'autres villes, de Bafoussam, Nkongsamba, Douala ou Yaoundé, et ça coûte cher. Or, seuls les dossiers suivis par un mandataire ou un avocat évoluent.
Mais cette situation se reproduit dans beaucoup d’autres prisons. Elvis Fonuy Luma n’a par exemple jamais pu sortir de la prison centrale de Bafoussam depuis son arrestation en avril 2004 bien qu’il ait été relaxé pour faits non établis en novembre 2007.
L'ex-ministre de la Santé, Urbain Olanguena Awono, se trouve dans le même cas. Arrêté en 2008 pour détournement de fonds, il est en détention préventive à la prison centrale de Kondengui (Yaoundé) depuis bientôt quatre ans.
Le Cameroun compte aujourd’hui plus de 120 prisons sur l’ensemble du territoire.
De nombreuses ONG internationales, comme Amnesty International, et locales, comme l'Action des Chrétiens pour l'Abolition de la Torture, dénoncent depuis plusieurs années la lenteur du système judiciaire, l’impossibilité d’accès à une justice équitable, les violations de la présomption d'innocence, et les détentions arbitraires au Cameroun. Et à cela, les prisons cumulent de nombreuses tares dans leur enceinte, à savoir l'insalubrité, l'insécurité, le surpeuplement, de nombreux trafics, des agressions sur mineurs qui cotoyent les majeurs…
Ces droits fondamentaux sont pourtant garantis par les textes. Selon le Code de procédure pénale camerounais: «Nul ne peut être détenu sous le régime de la détention provisoire au-delà de dix-huit mois, durée maximale sans prolongation possible...» et une loi constitutionnelle de janvier 1996 garantie la gratuité de la justice.
Lu sur Camer.Be, Jeune Afrique
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