mis à jour le
Qui est le seul investisseur européen au Somaliland?
«Tu es fou, ça n’a pas de sens.» Ce refrain venant de confrères investisseurs est récurrent, confie à la BBC l'homme d'affaires Mohamed Yusef. Avocat spécialisé en droit commercial, cet investisseur britannique s’est lancé dans une étonnante démarche. Depuis peu, il a pris l’initiative d’investir dans le Somaliland, au nord-ouest de la Somalie, dans la Corne de l'Afrique.
Auto-proclamé indépendant en 1991, ce pays n’est reconnu ni par la Somalie, ni par la communauté internationale. Aucun investisseur n’avait encore osé s’y aventurer. Il explique:
«Les investisseurs potentiels craignent que les autorités somaliennes ne leur disent un jour que les documents légaux du Somaliland ne sont pas valides.»
Mais Mohamed Yusef est confiant. Pour lui, la brève indépendance de neuf jours du Somaliland lui assure la pérennité de ses contrats commerciaux.
S'implanter en plein Somaliland est loin d'être le fruit du seul hasard ou de l'appat du gain. Mohamed Yusef y est né il y a soixante ans quand la Somalie n'était encore qu'une colonie britannique. Sa passion pour la finance ainsi que son implantation géographique s'explique par ses origines familiales:
«Si mes parents disent vrai, j'ai toujours eu une attirance pour le commerce et les entreprises et ça correspond aussi à l'histoire de ma famille. Elle est originaire d'un village de pêcheurs et mon grand-père commerçait d'ailleurs dans le Golfe d'Aden.»
Après des études en Grande Bretagne et l'ouverture de son propre cabinet d'avocat, il a attendu 1999 pour fonder sa première entreprise, Invicta, qui aide aux financements des médias et de la propriéré commerciale. Elle a participé au financement de films à succès comme Walace et Grommit: la Malédiction du Lapin-Garou, Da Vinci Code et James Bond: Casino Royal. Bien que son entreprise a vu ses capitaux d'investissement grimper à plus de 2 milliards de dollars, Mohamed Yusef reste humble.
«Cela peut sembler un peu désinvolte, mais l'argent n'est pas le motif principal. Je trouve malsains les gens qui accumulent les entreprises juste pour se faire plus d'argent.»
Son entreprise Prime Ressources est implantée dans la capitale du Somaliland, Hargeisa, et compte neuf salariés. Elle investit principalement dans les exploitations de gaz, minière et pétrolière. Bien que la richesse du sol du Somaliland n’ait jamais été officiellement établie, Mohamed Yusef assure que «le pays compte de nombreuses ressources minérales et occupe une position stratégique.» Il prévoit également un programme d’exploration qui s’élèvera à 40 millions de dollars.
En tant qu'unique investisseur européen dans la région, il explique sa prise de risque par la définition de son métier:
«Le plus grand pilote pour les gens d'affaires, c'est l'élan créateur, le fait de créer quelque chose à partir de rien.»
Le Somaliland tente depuis des années de s’imposer comme un pays à part entière. Son président, Ahmed Mohamed Silanyo, reste optimiste. Il a déclaré au Metro, édition de Montréal:
«Même si nous ne sommes pas reconnus, des pays comme les États-Unis commencent à avoir des relations avec nous. La communauté internationale collabore avec nos forces de sécurité sur le plan du renseignement.»
Le Somaliland s’affiche comme un partenaire dans la lutte contre le terrorisme et la piraterie. Bien que la situation chaotique de la Somalie voisine n’entrave pas la vie dans le pays, les risques de contagion restent réels.
Lu sur BBC, Metro Montréal
A lire aussi
Le Somaliland, 20 ans et toujours sans passeport
Berbera, l'avenir du Somaliland