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Nicolas Sarkozy accueille Alassane Ouattara à l'Elysée, le 26 janvier 2012. REUTERS/Gonzalo Fuentes
Nicolas Sarkozy accueille Alassane Ouattara à l'Elysée, le 26 janvier 2012. REUTERS/Gonzalo Fuentes

Ouattara, le protégé de Sarkozy

La visite d'Alassane Ouattara à Paris, reçu avec les honneurs à l'Elysée, a fait grincer des dents. Pour certains observateurs, il s'agit tout simplement de relent colonialiste.

«C’est une lapalissade de dire que le président Ouattara attendait cette visite avec impatience. Celle-ci, au risque de conforter dans leurs certitudes ceux qui le considèrent comme l’obligé de l’ex-puissance coloniale, aura été plus que bénéfique pour l’homme fort d’Abidjan», affirmait le 30 janvier le journal ivoirien Trait-d'union.

La visite officielle de trois jours du président ivoirien Alassane Ouattara à Paris (du 25 au 27 janvier) a fait couler beaucoup d'encre dans la presse ivoirienne. Si ce séjour a permis de mettre à jour l'accord de défense et de sécurité avec la France, il a été aussi l'occasion de resserrer les liens d'amitié entre les deux pays et d'obtenir des soutiens économiques. Un peu trop? Pour certains, l'accueil réservé à Alassane Ouattara reflète les rapports incestueux qu'entretiennent encore la Côte d'Ivoire et son ancienne puissance coloniale, la France. Cela confirme ceux qui soutiennent qu'Alassane Ouattara a été installé au pouvoir par le président Nicolas Sarkozy, seul chef d'Etat occidental à avoir assisté à la cérémonie d'investiture de son ami Ouattara en mai 2011.

Ainsi, pour le portail Afrik.com,

«L’accueil protocolaire et la sécurité mise en place autour de cette venue rappellent le "bon vieux temps" de Félix Houphouët Boigny et laissent penser que la rupture avec les méthodes anciennes de la Françafrique, qu’avait promise le président Nicolas Sarkozy lors de son élection en 2007, est loin d’être à l’ordre du jour. En d’autres termes, avec cet accueil en fanfare réservé au dirigeant ivoirien, Nicolas Sarkozy s’inscrit clairement dans une continuité de la politique françafricaine.»

Protection rapprochée

Le journal ivoirien d'opposition Notre Voie va plus loin pour expliquer les raisons des «moyens militaires colossaux déployés par Nicolas Sarkozy pour assurer la sécurité de son hôte»:

«La réalité, c’est que Nicolas Sarkozy est parfaitement conscient de ce que son protégé Ouattara est issu d’un coup d’Etat réalisé par l’armée française sur ses instructions. Sarkozy avait donc peur pour la sécurité de son poulain à Paris. C’est ce qui explique tout cet arsenal militaire déployé» affirme le quotidien ivoirien.

Le président ivoirien Alassane Ouattara, interrogé par deux journalistes français de France 24 et RFI sur les impressionnantes mesures de protection déployées par Nicolas Sarkozy (cinq divisions de l’armée française mobilisées, quatre hélicoptères pour survoler son cortège et la cavalerie républicaine), a rétorqué pour sa part «moi je n'ai pas vu tout ce déploiement dont vous parlez».

La signature d'un accord de défense entre le président Sarkozy et le président Ouattara —prévoyant le maintien de 300 soldats français de la force Licorne en Côte d'Ivoire— semble, pour certains, accréditer ce que les partisans de Laurent Gbagbo dénoncent depuis l'arrivée au pouvoir d'Alassane Ouattara en avril 2011.

Alassane Ouattara s'en défend en déclarant qu'il «s'agit d'un traité de partenariat de défense soumis aux Parlements ivoirien et français, il n'y a pas de clauses secrètes». Tout en affirmant ne pas avoir «besoin de protection de qui que ce soit», il n'a pas manqué de remercier «son ami Nicolas Sarkozy» pour l'intervention militaire d'avril dernier qui a conduit à la chute de son prédécesseur Laurent Gbagbo:

«Grâce à votre courage, la majorité des Ivoiriens a connu un dénouement heureux dans cette situation», a-t-il déclaré à Nicolas Sarkozy.

Enjeux économiques

«Après l'aide militaire, voici venu le temps du soutien économique», indique le journal ivoirien Le Mandat. Durant sa visite à Paris, la France a décidé d’accorder une remise de dette d’un milliard d`euros, soit 650 milliards francs CFA, aux autorités ivoiriennes. Le président Alassane Ouattara, qui table sur un taux de croissance de 8 à 9% pour son pays en 2012, a tout fait pour convaincre les entreprises françaises de revenir en Côte d'Ivoire.

«Autre motif de satisfaction et non des moindres, rappelle RFI, Paris s'est engagé à soutenir la Côte d'Ivoire devant les bailleurs de fond pour obtenir un allègement de la dette ivoirienne d'ici la fin du premier trimestre.»

L'Intelligent d'Abidjan explique par ailleurs que la France est non seulement le premier partenaire commercial de la Côte d'Ivoire, mais également le premier investisseur dans le pays.

«Avec 140 filiales employant 40.000 personnes, 600 PME (Petites et moyennes entreprises) de droit local, les entreprises françaises représentent 30% du PIB ivoirien et 50% de ses effectifs» a expliqué Pierre Lellouche, secrétaire d’Etat français au Commerce extérieur, lors de la visite d'Alassane Ouattara. Et n'a pas hésité à rappeler que «la France a été le premier bailleur à sortir la Côte d’Ivoire de la crise avec un prêt de 50 millions d’Euros (32.750.000.000 de francs CFA)».

«Je suis certain que l`amitié très forte entre la Côte d`Ivoire et la France continuera de se renforcer davantage», a déclaré pour sa part Alassane Ouattara.

Coup de pouce de l'ami Ouattara?

A quelques mois de l'élection présidentielle en France, et alors que Nicolas Sarkozy est à la traîne dans les sondages, cette visite de l'ami Ouattara était-elle un hasard du calendrier ou visait-t-elle au contraire à tenter de redorer l'image du président français? Interrogé au sujet de la présidentielle en France, Alassane Ouattara a déclaré ne pas avoir à se mêler de la politique française tout en enchaînant pourtant les déclarations élogieuses à l'égard du président français:

«Je connais bien Nicolas Sarkozy, il est courageux et il en a donné la preuve lors de la crise ivoirienne et libyenne.»

Et d'ajouter:

«Permettez-moi Monsieur le président de vous dire qu'en tant qu'ami, nous sommes convergents sur nos convictions. Nous croyons à la démocratie, au choix du peuple. Nous notons également qu`en période de difficultés, il faut tenir bon. Il faut convaincre, il faut aller de l`avant.»

A bon entendeur, salut!

Audrey Lebel

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Audrey Lebel. Journaliste à SlateAfrique

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