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La CAN, une Coupe d’Afrique des coupes de cheveux
La CAN 2012 promet un double spectacle: celui des pieds et celui des cheveux. Revue capillaire…
De plus en plus bling bling, les joueurs de football africains font pâlir de jalousie les plus grands «sapeurs» des Congo. Et comme on ne peut pas «faroter» (frimer) sur la pelouse avec un costume en satin, une montre en titane ou un porte-clef Porsche, il ne reste, pour démontrer sa «branchitude», que les boucles d’oreille et la coiffure.
Sur les terrains, la mode est à l’excentricité capillaire, encore plus que dans le monde du show-biz. Peut-être s’agit-il de déstabiliser le camp adverse, en le faisant mourir de peur. Ou de rire…
Chacun cherche son style. Pour ce faire, le catalogue des coiffeurs propose manifestement trois techniques de base:
1. Les bonnes vieilles tresses et autres ersatz. Pas besoin, chantait Alpha Blondy, de «fumer tchoukourou (cannabis) pour être un rasta». Pas besoin, aujourd’hui, de chanter le reggae pour arborer de faux dreadlocks. Encore faut-il que la coiffe n’aient pas le poids des cheveux de Burning Spear. Elle ralentirait le footeux en pleine surface de réparation.
C’est pourquoi la star ivoirienne de Chelsea, Didier Drogba, privilégie le modèle «Rama Yade», allant parfois jusqu’à composer une minuscule queue de cheval, bien incongrue pour un éléphant.
Pour éviter que les mèches ne giflent l’arbitre, son compatriote Gervais Yao Kouassi dit Gervinho porte les mèches tantôt courtes, tantôt attachées par un élastique qui, s’il ne limite pas la circulation dans le cerveau, donne l’air d’être coiffé d’une charlotte de douche. L’attaquant sénégalais Lamine Sakho, lui, n’a pas hésité à tenter la coupe «geyser», les dreads dressés vers le ciel…
2. La décoloration à l'eau oxygénée. Le continent qui compte le moins de blonds voit soudain pulluler des crânes qu’on jurerait albinos. Le milieu de terrain Hassan Yebda, tantôt français à la coupe du monde des moins de 17 ans, tantôt algérien à la CAN 2010, est tantôt brun tantôt blond.
3. Le marbrage. En rasant tel centimètre carré et pas tel autre, le tondeur dessine un véritable puzzle, au point de faire ressembler une tête aux anciens ballons sur lesquels se côtoyaient hexagones blancs et pentagones noirs. D'origine sénégalaise, le défenseur central Mamadou Sakho reste un maître en la matière. Il n’hésite pas à parsemer son crâne tout à la fois de la crête eighties de Mister T et d’arabesques psychédéliques très seventies. De quoi, peut-être, hypnotiser ses adversaires.
Les plus courageux tentent d’improbables combinaisons de ces trois techniques capillaires. Le footballeur camerounais Rigobert Song n’a-t-il pas mixé, comme Bakary Sagna, les tresses et la décoloration?
Le défenseur central congolais Cédric Mongongu, lui, a tenté de renforcer le marbrage par l’«oxygénation». Jusqu’au-boutiste, le gardien de but algérien Faouzi Chaouchi n’a parfois cédé aux cheveux qu’une crête horizontale bicolore juchée à la lisière de son front. De façon parfois éphémère, comme Mamadou Sakho. Car la coiffure d’un joueur de foot, c’est le plus souvent un style qui se cherche sans toujours se trouver. Et si l’originalité doit être le maître mot des quêtes capillaires, rendons hommage à un trio de footballeurs qui a fait oublier que ces joueurs n’étaient que des pieds.
La médaille de bronze de ce palmarès revient à l’attaquant marocain Marouane Chamakh pour ses coupes manifestement inachevées. Il y a des coiffures qui mériteraient un carton jaune. Prix d’encouragement, tout de même, pour avoir voulu ressembler à Cristiano Ronaldo, sans avoir les moyens de fréquenter les mêmes salons de coiffure.
La médaille d’argent revient au footballeur burkinabè Aristide Bancé dont le sommet de la tête ressemble au cornet de pop corn que ses supporters ont sur les genoux lorsqu’ils regardent les matchs à la télé. Ou à des pousses de soja pour les obsédés de la diététique.
Honneur aux anciens, la médaille d’or revient incontestablement au tout aussi végétal défenseur nigérian Taribo West dont la conception capillaire avait tout de la glycine en macramé verdâtre.
Cette ode à la coiffure footballistique contemporaine ne saurait s’achever sans remettre un grand prix toutes catégories à celui qui, s’il n’a pas défendu les couleurs africaines sous lesquelles évolua son footeux de père, a inspiré tant de joueurs africains, par son avant-gardisme capillaire: Djibril Cissé qui a su s’investir tout à la fois dans la crête bleutée et dans le collier de barbe décoloré. Respect échevelé.
Damien Glez
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