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Libye : Les milices font toujours la loi
Que devient la Libye? Plus personne n'en parle. Alors que le chaos s'installe dans le pays.
Mise à jour du 7 mars 2012: Des chefs de tribus et de milices ont déclaré l'autonomie de la Cyrénaïque, une région pétrolière à l'est de la Libye. C'est dans cette région qu'est née la révolte contre le régime de Mouammar Kadhafi en février 2011.
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Mise à jour du 23 février 2012: Dans le désert du sud-est de la Libye, les affrontements entre milices tribales sèment la mort et le chaos. Plus de 100 personnes ont perdu la vie et plusieurs dizaines d'autres ont été blessées en moins de deux semaines dans des échauffourées opposant, officiellement, la tribu des Zouwaya et celle des Toubous.
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Mais que devient-donc la Libye? Alors que la Tunisie est scrutée de manière quasi-quotidienne par les agences de presse internationales et tandis que la Syrie d’al-Assad est condamnée par la majorité de la communauté internationale, le pays de feu Mouammar Kadhafi semble avoir disparu des radars médiatiques autant que diplomatiques.
Il faut dire que la situation qui y prévaut ne prête guère à l’optimisme ou à l’autosatisfaction, du moins pour ce qui concerne les acteurs responsables de la chute de l’ancien régime parmi lesquels la France et les Etats-Unis.
Sur le terrain, c’est la confusion et l’ordre des milices. Chaque ville voire même chaque village, possède son groupe armé. Certes, le Conseil national de Transition (CNT) a solennellement ordonné la restitution des arsenaux avant la fin de l’année 2011. Peine perdue. Non seulement les fusils ne sont pas rendus mais il semble même que le marché noir de l’armement est actuellement l’un des plus prospères. Plus grave encore, des affrontements récurrents opposent les milices entre elles, celle de la ville de Gharian (80 kilomètres au sud de Tripoli) étant l’une des plus turbulentes tandis que celle de Zintan refuse toujours d’abandonner le contrôle de l’aéroport de Tripoli.
Les batailles sont liées au contrôle d’un carrefour
Le plus souvent, les batailles sont liées au contrôle d’un carrefour ou d’une route, synonyme de manne financière (amendes imposées aux automobilistes, taxes diverses, droits de passage,…). Parfois, il s’agit de marquer un territoire de façon à faire monter les enchères pour le jour où le gouvernement provisoire décidera de payer, en cash et en dollars, les milices pour qu’elles se retirent et qu’elles désarment. Dans tous les cas, les belligérants s’accusent d’être des Kadhafistes ou des partisans de Saïf al-Islam, lequel, au passage, attend toujours de savoir s’il sera jugé en Libye ou à La Haye.
Inquiètude des milieux diplomatiques
Cet activisme des milices inquiète les milieux diplomatiques qui craignent que ces affrontements larvés ne débouchent sur une guerre civile. Et le CNT peine à trouver la solution pour arriver à les dissoudre. Il faut dire que nombre d’entre elles sont constituées de jeunes dont la vie de chômeur a pris une autre dimension avec la guerre contre le régime de Kadhafi.
Aujourd’hui, plusieurs d’entre eux veulent tirer profit de leur engagement tandis que d’autres recrues, plus récentes, cherchent à faire oublier leur attentisme passé. De plus, la perspective d’un recrutement par l’armée ou la police – procédé habituel de par lequel nombre de milices dans le monde ont été démantelées par les nouveaux pouvoirs – ne s’avère pas suffisamment attractif tant au point de vue de la modicité de la solde proposée (en comparaison de ce que peut rapporter les amendes et autres produits de racket) que du prestige (et du pouvoir) vis-à-vis du reste de la population.
Les kadhafistes veulent mettre en place un gouvernement en exil
Conscients des nuages que font peser les milices sur la stabilité de la Libye nouvelle, les dirigeants du CNT insistent sur le fait que la transition politique suit son cours et que des élections législatives auront lieu en juin prochain. A condition que les myriades de partis créés ou en cours de formation s’accordent tant sur le découpage électoral que sur le mode de scrutin.
Pour l’heure, de nombreux partis, dont les islamistes, rejettent le projet électoral du CNT tandis que les kadhafistes à l’étranger veulent mettre en place un gouvernement en exil… Dès lors, on comprendra pourquoi la population espère que la participation de son équipe de football à la Coupe d’Afrique des Nations (CAN) va la divertir un peu et lui faire oublier un quotidien encore marqué par la violence et l’incertitude politique. Cela en attendant qu’elle puisse visionner le film que prépare BHL, parrain autoproclamé de la nouvelle Libye, à propos du conflit qui a fait chuter le régime de Kadhafi…
Akram Belkaïd
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