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La députée George Pau-Langevin, à l'Assemblée nationale, Paris © DR
La députée George Pau-Langevin, à l'Assemblée nationale, Paris © DR

George Pau-Langevin, militante du communautarisme

La seule députée noire de France métropolitaine soutient que le communautarisme, s’il est discret, peut aider à réduire les discriminations.

Paris, XXe arrondissement. Dans ce quartier populaire et cosmopolite de la capitale française, les rues sont souvent noires d’Africains et de populations d’origine maghrébine. C’est dans cette circonscription ancrée à gauche, que la militante socialiste George Pau-Langevin s’est faite élire députée en 2007. Depuis, elle est devenue la seule noire de France métropolitaine à l’Assemblée nationale. Elle semble avoir fait du local de sa permanence, une sorte de foyer où les gens vont et viennent sans rendez-vous préalable. George Pau-Langevin prête une oreille attentive à chacun, ce qui peut prolonger l’attente d’autres visiteurs.

C’est que, même cinq ans après son élection, la députée, native de la Guadeloupe, continue de susciter fierté et espoir. La fierté pour les quelques 126.000 habitants de sa circonscription, souvent issus de l’immigration, qui ont le sentiment d’avoir enfin, un élu national qui les comprenne et les représente vraiment. L’espoir aussi pour ces mêmes populations, très durement confrontées au chômage et à des problèmes de logement. «Seule une élue noire peut véritablement comprendre les problèmes des immigrés», confie une mère de famille d'origine africaine, dans la salle d’attente de la permanence de George Pau-Langevin.

La diversité et le vivre ensemble

Si la députée elle-même réaffirme ne pas être une élue de proximité, elle ne rechigne pas pour autant à recevoir les habitants du quartier. Tous, jeunes et moins jeunes, plutôt que de se diriger  vers les services de la mairie, cherchent à rencontrer «Madame la députée». Et le moins que l’on puisse dire, c’est que cela ne fait pas rougir la seule députée noire de France métropolitaine, depuis l’expérience du Franco-Togolais Kofi Yamgnane, élu en Bretagne entre 1997 et 2002.

«Je n’ai pas à m’arroger les prérogatives du maire. Mais le contact quotidien avec les populations me permet de porter leurs préoccupations à une échelle nationale. J’ai besoin de ces échanges», fait savoir George Pau-langevin.

Un argument que réfute sans sourciller un de ses adversaires politiques dans sa circonscription, ayant requis l’anonymat:

«Elle a fait du communautarisme son fond politique. D’ailleurs, elle a été élue sur cette base-là. De la même façon qu’elle cherche à se faire réélire pour la prochaine législature.»

Ces critiques  sur la tentation communautariste ne semblent pas faire passer des nuits blanches à la députée Pau-Langevin. Dans une colère noire, elle réplique:  

«Ceux qui parlent de communautarisme, en général, c’est pour désigner des attitudes de gens qui veulent simplement bénéficier de droits de Français ordinaires. Or, le communautarisme, je le vois comme le fait de vouloir vivre selon les lois d’un petit groupe, plutôt que selon les lois de la majorité. Or ce n’est pas ce que je constate sur le terrain où les revendications purement communautaristes sont mineures. Il est donc difficile d’en jouer, comme certains le prétendent.»

Et celle qui a présidé le Mouvement contre le racisme et pour l’amitié entre les peuples (Mrap) de 1984 à 1987 d’ajouter:

«Prenons l’exemple de la Marche des beurs en 83. A l’époque déjà, les maghrébins ne demandaient pas des droits spécifiques. Elle demandait simplement l’égalité pour les beurs. De la même façon que les actions du Mrap ou du Cran (Conseil représentatif des associations noires de France, Ndlr) visent simplement à rétablir une égalité réelle entre les citoyens français.»

La tentation communautariste

Quoi qu’il en soit, il est une critique qui colle à la peau de George-Pau Langevin depuis sa première désignation à la députation. Même au sein du Parti socialiste qu’elle a pourtant rejoint en 1975, nombre de voix se sont élevées pour dénoncer une concession communautariste; la 21e circonscription de Paris, étant pratiquement gagnée d’avance.

«Je considère tout à fait normal que l’on facilite la tâche aux noirs en les désignant dans des circonscriptions gagnables. Si les formations politiques veulent qu’il y ait des élus issus de la diversité, il n’y a pas d’autre solution. De la même façon que l’on fait de l’action sociale pour pallier les déséquilibres économiques, désigner des minorités là où elles peuvent gagner me semble une mesure corrective des discriminations auxquelles elles sont confrontées», souligne-t-elle encore.

A l’entendre, George Pau-Langevin fait davantage penser à une militante des droits de l’Homme plutôt qu’à une politicienne d’appareil. C’est d’ailleurs ainsi qu’elle se considère. «Je suis une militante antiraciste qui s’intéresse à la politique. Ma préoccupation est de savoir si je suis utile aux gens là où je suis», répond la députée, comme pour revendiquer le fait que sa couleur de peau ne fasse pas d’elle pour autant une femme politique de premier plan en France. Une politicienne de terrain donc, soutient-elle, encouragée en cela par sa formation d’avocate et son engagement dans le milieu associatif.

Au Conseil de la ville de Paris où elle a longtemps siégé, elle s’est notamment occupée de la vie associative et de l’Outre-Mer. Une période de sa carrière politique où elle a réalisé, selon elle, un de ses plus hauts faits d’arme: le changement de nom de la rue Richepanse dans le Ier arrondissement de Paris (Richepanse était un général qui rétablit l’esclavage en Guadeloupe en 1802, Ndlr) en rue du Chevalier Saint-George (compositeur et abolitionniste d’origine guadeloupéenne, Ndlr). De la même façon, à l’Assemblée nationale, les deux premières années, elle a préféré s’atteler aux questions d’immigration et de co-développement. De la même façon encore, elle a intégré l’équipe de campagne de François Hollande, le candidat socialiste à la présidentielle française de 2012, pour s’occuper des questions sociétales.

George Pau-Langevin, députée de Paris © DR

La force du lobbying

«Quand on est élu de la diversité, on peut s’occuper de tout. C’est ce que je fais d’ailleurs, en ayant intégré la commission des lois constitutionnelles à l’Assemblée. Cela étant, nous avons une responsabilité supplémentaire. Etant issus de la diversité, nous avons nous-mêmes connus, à un moment ou un autre, les discriminations dont sont victimes ceux qu’on appelle les minorités visibles. Nous ne pouvons pas détourner notre attention de ces questions.»

 George Pau-Langevin réaffirme d’ailleurs dans son ouvrage Représenter le peuple français (éd. Dittmar), paru en 2011. Un livre dans lequel elle revient sur le sens de son engagement en politique et sa vision du rôle de député dans la société.

Elle précise que représenter le peuple français est une chance et un honneur. Mais, qu’être noire, pour elle, n’est pas un argument politique. Seulement, elle compte bien continuer à en faire un atout. D’où sa candidature pour les prochaines législatives.

«Mon obsession c’est de faire reculer les inégalités. Dût-on pour cela parfois abusivement me taxer de communautariste», nous explique la députée de Paris.

«On peut le regretter, mais nous sommes une société de réseaux. Et on fait le reproche du communautarisme à des gens qui ont moins de réseaux que les autres ou qui n’en ont pas du tout. Nous sommes tous pour l’intégration. Mais, en brandissant l’épouvantail du communautarisme, faisons attention à ne pas marginaliser davantage des gens qui n’ont aucune relation, aucun appui», conclut George Pau-Langevin qui espère rééditer en juin, lors des législatives en France, le score de 62% qu’elle a réalisé en 2007.

Raoul Mbog

Raoul Mbog

Raoul Mbog est journaliste à Slate Afrique. Il s'intéresse principalement aux thématiques liées aux mutations sociales et culturelles et aux questions d'identité et de genre en Afrique.

 

 

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