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L'ombre de Boko Haram plane sur le Cameroun
Le 24 décembre, la secte islamiste Boko Haram («l'éducation occidentale est un péché») commettait une vague d'attentats terroristes au Nigeria, provoquant la mort de 40 personnes. Depuis le pays est en alerte, et la menace est également ressentie hors des frontières du Nigeria. Ainsi, Le Jour rapporte que les autorités camerounaises craignent la diffusion des idées de la secte dans les écoles coraniques de la région de l'Extrême-Nord.
Les services de renseignement procèdent actuellement à l’audition de plusieurs responsables religieux. Enseignant le Coran dans la ville de Maroua, Cheik Ismail affirme avoir été entendu à plusieurs reprises et parle d’harcèlement. Pour prévenir une éventuelle infiltration de Boko Haram, les services de sécurité camerounais ont fermé ou envoyé en congé forcé une dizaine d’écoles coraniques. L’école de formation des prédicateurs que dirige Cheik Ismail en fait partie.
«Nous savons qu’ils veulent fermer nos écoles, mais ils évoquent des questions de sécurité nationale. Ils nous traitent tous comme des terroristes», dénonce un prédicateur de la grande mosquée de Maroua.
A l’image de Cheik Ismail, de nombreux enseignants du Coran condamnent ce harcèlement. Le préfet de Kousseri, dans le nord du pays, nie toutes ces fermetures:
«Nous n’avons pas fermé les écoles coraniques, encore moins les centres de formation. Nous avons juste redoublé de vigilance en nous intéressant aux activités de ces écoles qui ne sont pas des écoles légales.»
L’inquiétude des autorités camerounaises ne datent pas d’hier. Au début du mois de décembre, Bernard Okalia Bilaï, préfet du Wouri, a sensibilisé les imams de Douala, la capitale économique située à l'ouest du pays, sur les dangers de Boko Haram.
«Il était question pour nous, sur hautes instructions du gouvernement, de prendre toutes les mesures utiles pour que nous ne soyons pas surpris par ce phénomène qui est déplorable, encore que d’après certains indices, ce pays où sévit cette secte, attire déjà l’attention de ses voisins sur ce phénomène qui est nocif pour l’équilibre social», déclare t-il à La Nouvelle Expression.
Dans un câble diplomatique divulgué par WikiLeaks, on apprend que l’ex-ministre camerounais de l’Administration territoriale et de la Décentralisation, Marafa Hamidou Yaya, avait évoqué avec Janet Gavey, ex-ambassadeur des Etats-Unis au Cameroun, sa crainte de voir Boko Haram arriver dans le pays.
«Marafa était très préoccupé par l'extrémisme islamique au Nigeria et au Cameroun. Il y a des personnes désespérées au sein de la communauté musulmane dans le Nord et à Douala en particulier. Certains parmi eux ont de l’argent dont l’origine reste inconnue».
Dès août 2011, Cheikh Moubarak Mbombo Ibrahim, président national de la conférence des imams du Cameroun, a déclaré que des membres de Boko Haram se cachaient au Cameroun. Le 30 août, lors de la grande prière de l’Aïd-el-fitr marquant la fin du mois de ramadan, le lamidou (chef spirituel) de Garoua, une autre ville du nord, Alim Hayatou, avait appelé ses fidèles à rester vigilants.
«Il n’y a pas de raison que nous cherchions d’autres personnes pour diriger notre islam. C’est nous mêmes, les enfants d’ici, qui devons diriger notre islam, de notre façon, comme nous l’avons tenu pendant cinq, six siècles», avait-il lancé.
Au sein de la population camerounaise, la secte islamiste nigériane divise. Pour Mahamat Mamat, commerçant à Maroua, «il faut déployer les grands moyens pour anéantir Boko Haram».
Fadimatou Husseini, ménagère, comprend le combat de ces islamistes:
«Je ne connais pas cette secte, mais je trouve qu’ils l’ont fait avec des arguments solides. Il faut que le président du Nigeria les écoute pour éviter d’autres tueries. Ils défendent les idéaux de leur religion. Que feriez-vous à leur place? Le djihad est prescrit à tous musulmans et Boko Haram en est le porte fanion au Nigeria et en Afrique noire.»
A l’inverse, Mal Abdou Goni, enseignant religieux condamne ferment les actions de ces islamistes:
«La secte Boko Haram n’est pas représentative dans l’islam que ce soit au Nigeria ou ailleurs. L’islam ne dit pas qu’il faut tuer. Je crois que les autorités de ce pays doivent tout faire pour neutraliser cette secte qui tue et assassine au nom de l’islam.»
Lu sur Le Jour, La Nouvelle Expression
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