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Vu d'Alger: Syrie, le spectre d'al-Qaïda
Les régimes arabes surfent sur la peur d'al-Qaïda. Une peur qui rapporte en soutiens politiques et financiers.
Syrie: on ne doit jamais sous estimer un régime qui sourit et tue en même temps. En Syrie, les observateurs arabes, en action depuis le 27 décembre, ne pourront rien observer. Les capacités de maquillage de ce genre de dictatures sont immenses. Déplacements de prisonniers, menaces sur les témoins, fabrications de rescapés…etc. Tout cela est connu et pratiqué. D’ailleurs on se demande quelles garanties peut bien avoir un témoin syrien qui parle aux observateurs? Ces mêmes observateurs qui redémarrent leurs voitures et laissent les habitants de Homs face aux chabiha ( les milices du pouvoir en place).
Damas connait les techniques et reçoit les conseils avisés de pays tiers qui soutiennent ce régime. La recette est simple, la Qaïdisation du pays: attentats, voitures piégées et cris au loup barbu. Cela a été utilisée un peu partout ces vingt dernières années. Qaïdiser le pays, comme l’a fait le sinistre Ali Abdallah Saleh au Yémen, permet d’augmenter les répressions au nom de la sécurité, d’immobiliser la pression internationale et surtout d’obliger les populations à accepter la protection des Moukhabarat (les services de renseignements) et celle des milices.
La Syrie brisée après 10 mois de lutte
La Syrie ne sera pas remise à son peuple en un seul morceau et on le sait tous. Elle sera détruite, cassée, brisée, massacrée avant que la clique de Bachar ne tombe. Sauf que, note d’espoir, la Qaïdisation est généralement la dernière phase des scénarios de pourrissement volontaire des situations politiques.
La Qaïdisation a été inventée par Georges Bush. C’est une façon de coller une barbe postiche sur les moustaches de Saddam et d’en faire l’auteur des attentats du 11 septembre. Depuis, lorsqu’on veut noyer un opposant ou une opposition, on l'associe à la nébuleuse djihadiste. Par le discours, les médias et les fausses preuves. C’est ce qu’a fait, trop brièvement, Moubarak et son régime face aux révolutionnaires de la place Tahrir. Kadhafi, jusqu’à son dernier discours a accusé les rebelles et l'opposition d'être des agents d'al Qaïda. Le fou de Tripoli avait compris, avec son formidable instinct, que le traumatisme de l’Occident était encore vif et qu’à choisir entre un Ben-Laden bis et un dictateur utile, les pays occidentaux opteront pour le dictateur fréquentable.
La recette a fait des émules dans le monde arabe, notamment au Maroc, au Yémen, en Syrie, en Arabie Saoudite, en Jordanie...Ces pays ont à un moment donné tirer profit du terrorisme internationale en obtenant des aides financières et des soutiens politiques.
Le jeu du régime syrien: terroriser pour exister
La Qaïdisation est effectivement une manipulation qui demande très peu de moyens: une voiture piégée, un naïf manipulé avec deux versets, une revendication par fax ou par Net, un clip avec un barbu qui menace et 30 morts anonymes. Du coup, le peuple se terre, la demande de changement devient demande de protection, la communauté s’émeut, l’opposant devient douteux et le régime devient une nécessité. C'est aujourd'hui ce qui en train de se passer en Syrie.
Comment les régimes arabes peuvent-ils se vanter de lutter contre le terrorisme tout en l'instrumentalisant? Si al Qaïda est partout, à quoi ont-ils servi depuis des décennies? L’essentiel est de faire peur et de gagner du fric. La Qaïdisation, une pratique de dictateur cerné.
Kamel Daoud (Le quotidien d'Oran)
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