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Les intellectuels engagés en Côte d'Ivoire

La crise post-électorale en Côte d'Ivoire suscite de nombreuses prises de position chez les intellectuels. C'est ce que montre Christophe Champin, journaliste à RFI dans son article «La crise ivoirienne divise les intellectuels». Entre critique de la Communauté Internationale et défense de la démocratie, le débat est animé.

Pro-Ouattara et Pro-Gbagbo

D'un côté, il y a Wole Soyinka, prix Nobel de littérature nigérian en 1986, l'un des premiers à s'exprimer pour demander à Laurent Gbagbo de quitter le pouvoir. Il a été rejoint par le journaliste et écrivain ivoirien Venance Konan.

Une trentaine d'autres ont fait circuler une pétition sur Internet pour soutenir Alassane Ouattara [PDF].

«Combien de morts faut-il à une élection présidentielle pour qu’enfin le vainqueur [Alassane Ouattara, ndlr] puisse se mettre au travail et redonner confiance aux populations et espoir à la Jeunesse?»

Parmi les signataires, on trouve des Ivoiriens: le journaliste Abdoulaye Sangaré, l’écrivaine Tanela Boni; des Sénégalais comme l'ancienne ministre de la culture Penda Mbow, l'historien Ibrahima Thioub, le politologue Mamadou Diouf; mais aussi le philosophe béninois Paul Hountoundji, le Français André Gichaoua —universitaire spécialiste du Rwanda—, ou l’anthropologue français Jean-Pierre Dozon.

A l'opposé, l'écrivaine camerounaise Calixthe Beyala écrit dans Jeune Afrique:

«Je ne crois pas que M. Alassane Ouattara soit le président élu de la Côte d’Ivoire car, pour cela, il eut fallu que sa victoire fut reconnue par le Conseil constitutionnel de son pays»

Critique de la Communauté Internationale

Certains intellectuels se mobilisent, mais sans prendre position ni pour Gbagbo ni pour Ouattara. Ils sont surtout critiques à l'égard de la Communauté Internationale.

La trentaine de signataires de l'«Appel d’intellectuels contre une intervention militaire en Côte d’Ivoire», paru dans le journal français l'Humanité, s'interroge:

«L’horreur du Rwanda devrait-elle recommencer sous nos yeux par l’irresponsabilité illimitée des marchands de canon et des impérialismes d’un autre âge?»

Christophe Champin cite l’ancien secrétaire général d’Amnesty International, Pierre Sané, dénonçant «l’empressement» de l’ONU à reconnaître la victoire d’Alassane Ouattara, comme les pressions internationales. «Même si, in fine, Alassane Ouattara venait à exercer le pouvoir, il le ferait contre la moitié du pays et sur un pays dévasté», affirme-t-il dans une lettre ouverte.

Il cite également l'écrivain guinéen Tierno Monemembo, prix Renaudot 2008, qui va plus loin en accusant les Nations Unies de recoloniser l’Afrique, dans Le Monde:

«L’ONU n’a pas à décider qui est élu et qui ne l’est pas à la tête d’un pays (…). Le faisant, elle outrepasse ses droits, ce qui lui arrive de plus en plus. Au point que derrière le langage feutré des diplomates, on distingue des bruits de bottes coloniales.»

A ceux qui dénoncent cette «Françafrique», Venance Konan répond:

«C’est vrai que Paris est loin et qu’ils n’entendent pas les crépitements des mitraillettes, les cris des personnes que l’on enlève, que l’on torture, les bruits des casseroles sur lesquelles les femmes tapent dans tous les quartiers où l’on ne dort plus, pour signaler l’arrivée des tueurs, dérisoires défenses contre le silence des intellectuels africains et panafricanistes de Paris».