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Maroc - La chanson traditionnelle en version porno
Il est des chansons qui, au Maroc, peuvent écorcher certaines oreilles et en éveiller d'autres. «Qam zibbi» (mon pénis est en érection), «jibou l'qhab» (ramenez les putes): tels sont les paroles d'une chanson marocaine postée sur YouTube depuis cinq ans déjà et qui jusqu'à ce jour continue d'attirer des internautes, avec au total 500.000 visiteurs.
Le magazine marocain TelQuel explique que cette vidéo de huit minutes reprend un classique de l'aïta, un genre musical marocain populaire transmis oralement et spécifique à la région de la Chaouia, située au nord ouest du Maroc. Mais il s'agit là d'une version moderne particulièrement crue.
Ses paroles ont tellement offusqué les internautes que certains ont appellé à incarcérer l’interprète ou au moins à le punir d’une amende. Et pour cause, ce succès menacerait le patrimoine musical marocain de sombrer dans la débauche.
Pourtant, l'aïta découle d’une tradition orale séculaire faisant de l’érotisme la toile de fond de la chanson populaire. C'est ce qui est appelé l'art du chaâbi, un adjectif dérivé du nom chaab, qui signifie «peuple». Hassan Nejm, ex-président de l'Union nationale des écrivains du Maroc et spécialiste de l'aïta l'explique à TelQuel:
«C'est un art ancestral qui date de douze siècles et qui obéit à des règles strictes».
Un art ancestral, traditionnellement chanté à huis clos, qui pour certains, a été perverti dès la période coloniale avec l'arrivée des Français au Maroc. Abdeslam Ghayour, un chercheur marocain dans le domaine de l'aïta soutient cette thèse:
«L'occupation a sorti le chaâbi de son cadre jovial, célébré dans l'intimité de chaque tribu, pour l'inscrire dans un cadre dépravé».
Selon lui, ce sont les transformations sociales et idéologiques qu'a introduite la colonisation française qui ont teinté la chanson populaire de référence sexuelles.
Abdeslam Ghayour va plus loin en affirmant qu'il s'agissait notamment d'un moyen d'étouffer les contestations et les révoltes. Ce genre de musique populaire, compris par tous, pouvait appelé les Marocains à la contestation. Aussi, explique Abdeslam Ghayour, «la façon la plus efficace [pour l’occupant] d’étouffer cette résistance était de compromettre le chaâbi dans des soirées à huis clos, placées sous le signe de la débauche».
Lu sur TelQuel
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