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Sénégal - Abdoulaye Wade, une pâle copie de Léopold Sedar Senghor?
Le Sénégal s'apprête à célébrer le dixième anniversaire de la mort de Léopold Sedar Senghor, le premier Président de la République sénégalaise. Un des poètes les plus influents de son temps et pilier de la négritude avec Aimé Césaire, Léopold Sedar Senghor inspire toujours dans son pays d'origine dix ans après sa mort. Même si aucun hommage national n'est prévu pour ce dixième anniversaire, plusieurs manifestations culturelles le mettent à l'honneur.
Le Centre culturel français de Dakar lui consacre, du 12 au 24 décembre 2011, une exposition qui retrace sa vie, de sa naissance le 9 octobre 1906 à Joal, une ville du sud ouest du Sénégal, à sa mort à Verson en France, le 20 décembre 2001, à l’âge de 95 ans. Ses origines, ses études, son itinéraire politique et littéraire, tout y est raconté.
Le parti socialiste sénégalais, créé en 1948 par Léopold Sedar Senghor lui même, va lui aussi organiser des événements autour de sa mort. Des conférences et des expositions doivent avoir lieu à Dakar et Saint Louis. Parce que, selon le responsable du parti socialiste, Ousmane Tanor Dieng, le Sénégal continue de «se référer à Senghor qui lui a donné une armature idéologique et doctrinale» comme il l'a confié à l'Agence France Presse. Léopold Sedar Senghor est resté vingt ans à la présidence du Sénégal, de 1960 à 1980, avant de laisser son fauteuil au Premier ministre d'alors, Abdou Diouf, sans violence ou effusion de sang.
Dans les universités sénégalaises, le nombre de travaux d'étudiants sur la pensée de Senghor «augmente depuis sa mort», indique Oumar Sankharé, agrégé de grammaire française à l'Université Cheikh Anta Diop de Dakar, à l'Agence France Presse. C'est pourquoi, des conférences dans les universités doivent avoir lieu, —notamment sur la place de Senghor dans la société sénégalaise actuelle—. L'Université Gaston Berger de Saint-Louis, au Sénégal, où Léopold Sedar Senghor avait posé la première pierre en 1975, tient elle aussi des réunions d'échanges et de réflexions sur le poète-président.
Même le président sénégalais, Abdoulaye Wade, pourtant l'un de ses plus farouches opposant, lui rend hommage à sa manière. Depuis plusieurs années, sans l'avouer directement, il rétablit ou réalise des événements initiés par son prédécesseur, à commencer par le Festival mondial des arts nègres (Fesman).
Créé en 1966, le Fesman avait au départ pour objectif de mettre en valeur la négritude, ce concept propre à Senghor et Césaire. L'essentiel, c'était aussi d'élaborer autour des arts une réflexion sur la place de l'Afrique et de la diaspora africaine dans le monde, son combat de toujours. Fervent défenseur de la lutte contre le colonialisme, Senghor était le symbole de cette liberté acquise en 1960 en Afrique. La troisième édition du Festival mondial des arts nègres s'est tenu à Dakar en décembre 2010, près de 35 ans après la précédente édition.
En novembre dernier, c'est un musée entièrement consacré au poète que le président Abdoulaye Wade a décidé de créer dans l'ancienne maison de Léopold Sedar Senghor.
Ces réalisations culturelles s'inscrivent dans la volonté du président Wade de restaurer la culture sénégalaise, un thème largement traité par Léopold Sedar Senghor via le concept de la négritude. L'inauguration d'un grand théâtre national en avril 2011, l’une des grandes initiatives culturelles du président Wade, s'inscrit dans ce projet. Ce grand théâtre national doit permettre, selon le vœu du président Wade, l’éclosion de talents. Il doit aussi aider à voir les plus grandes pièces sénégalaises africaines et mondiales.
Dernière réalisation culturelle soutenue par Abdoulaye Wade: le musée des civilisations noires. Sur une maquette de ce projet, on peut lire: «Senghor en a rêvé, Wade le réalise». Récupération politique de la part de l'équipe Wade sur le souvenir de Senghor? Quoi qu'il en soit, le quotidien sénégalais Le Soleil indique que la première pierre de ce musée devrait être inaugurée le jour même du dixième anniversaire de la mort du premier président sénégalais. Tout un symbole.
Mais bien qu'Abdoulaye Wade tienne la même politique culturelle que son prédécesseur, à la différence de Léopold Sedar Senghor, Wade ne compte pas quitter la scène politique de son propre chef mais souhaite se présenter pour un troisième mandat en 2012, que le peuple le veuille ou non.
Lu sur Le Soleil, Sene News, Institut Français de Dakar
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