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Kenya: Kisumu se prépare

"Le gouvernement est-il sourd?", s'insurge Tobias Aoko, assis à l'ombre d'un toit de tôle dans le bidonville de Nyalenda, à Kisumu, un bastion de l'opposition kényane. "Nous ne voulons pas de cette élection présidentielle et la décaler de deux jours n'y changera rien".

Grimaçant au moment d'évoquer les deux partisans de l'opposition tués jeudi dans des affrontements avec la police dans la troisième ville du pays (ouest), cet ouvrier du bâtiment de 33 ans assure que la population fera "tout", comme la veille, pour empêcher la tenue samedi de l'élection présentielle.

Les Kényans étaient appelés jeudi à élire leur président, après l'invalidation en justice du scrutin du 8 août. Mais les opérations de vote ont été compliquées, voire impossibles à mener, dans quatre comtés de l'ouest du pays acquis à l'opposition, qui boycottait l'élection.

Dans la circonscription de Kisumu-Centre, aucun des 196 bureaux de vote n'a ouvert jeudi.

La Commission électorale (IEBC) a dès lors décidé de reporter l'élection à samedi pour ces comtés, Kisumu, Siaya, Homa Bay et Migori, où les assesseurs étaient pour la plupart absents, par peur de représailles de la population, et le matériel électoral parfois pas acheminé.

L'opposition a appelé vendredi ses partisans à "rester à l'écart" du scrutin organisé dans ces comtés, pour éviter de mettre leur vie en danger. 

"S'ils essaient d'organiser l'élection, ce sera encore pire qu'hier", prédit John Odhiambo, 32 ans, lui aussi à Nyalenda, où la police a fait usage de gaz lacrymogènes et tiré à balles réelles jeudi. 

- Semblant de normalité -

Kisumu est majoritairement peuplée de luo, l'ethnie du leader de l'opposition, Raila Odinga, qui s'estime marginalisée depuis des décennies.

En attendant, cette ville située sur les rives du lac Victoria, qui suit à la lettre l'appel de M. Odinga à la "résistance" contre le gouvernement du président Uhuru Kenyatta, avait toutefois retrouvé un semblant de normalité vendredi.

De nombreux mini-bus, voitures et moto-taxis arpentaient la ville, louvoyant entre les centaines de barricades érigées la veille par les manifestants à l'aide de cailloux, d'arbres ou de morceaux de métal. Les uniformes verts de la police anti-émeute étaient eux à peine visibles, et les commerces avaient partiellement rouvert.

"Il faut bien qu'on gagne de l'argent pour manger", explique à l'AFP Benta Agola, vendeuse de riz sur un marché de Kondele, un autre bidonville de Kisumu, théâtre de violents affrontements entre manifestants et policiers ces dernières semaines.

"Demain, ça risque d'être à nouveau tendu et je vais fermer", dit-elle toutefois. "L'élection ne peut pas être libre et juste, et les gens ne veulent donc pas aller voter", ajoute Mme Agola, se faisant l'écho de Raila Odinga, qui estime que l'IEBC n'a pas entrepris les réformes nécessaires depuis le scrutin invalidé du 8 août afin de garantir une élection crédible.

Non loin de là, à la morgue de Kisumu, une trentaine de personnes, principalement des femmes, sont venues pleurer les morts de la veille, appelant la police à ne plus "tuer nos fils".

- 'Le message est clair' -

Et à l'hôpital adjacent, le couloir des urgences a retrouvé la quiétude après le chaos de la journée de jeudi, rythmée par l'arrivée d'une trentaine de blessés, dont au moins 11 par balles. Les nombreuses tâches de sang qui maculaient le sol ont depuis été nettoyées. "La nuit a été calme", sourit un infirmier.

A l'école "Lions High School", où ont notamment été rassemblés les urnes et les bulletins de vote, une poignée de responsables électoraux, sur les 400 prévus, préparent nonchalamment le matériel.

Ils souhaitent envoyer le matériel dans une trentaine de bureaux de vote dès ce soir, escortés par des policiers. "On va essayer, j'espère que cela va être possible", assure à l'AFP John Ngutai, le plus haut responsable électoral de la circonscription.

Mais pour déployer ce matériel, il faudra des assesseurs. Or ceux-ci ne semblent pas vouloir accomplir cette tâche. "Je n'ai pas été au bureau de vote hier, et je ne vais pas y aller demain", assure l'un d'eux à l'AFP, contacté par téléphone et requérant l'anonymat. "Je ne souhaite pas risquer ma vie".

"Le message envoyé hier par la population est on ne peut plus clair, et je ne pense pas qu'il faut passer en force, sinon il y aura plus de morts".

AFP

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