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RDC: des ONG jugent les élections «pas crédibles»
L’ONG américaine Centre Carter a relevé des irrégularités «graves» lors de la présidentielle du 28 novembre.
«Irrégularités». Les observateurs congolais et étrangers s’accordent à dire que la présidentielle et les législatives du 28 novembre en République démocratique du Congo ont été marquées par des dysfonctionnements plus ou moins importants selon les bureaux de vote, répartis sur les 11 provinces du pays, grand comme près de quatre fois la France. Ils ont également rappelé que nulle élection n’est parfaite. Reste que peu après le vote, trois candidats à la magistrature suprême, dont le président du Sénat Léon Kengo, ont demandé l’annulation des élections, dénonçant des «fraudes massives».
Vendredi, la Commission électorale nationale indépendante (Céni) a délivré les résultats complets provisoires de la présidentielle: le chef de l’Etat sortant Joseph Kabila, candidat indépendant, a recueilli 8 880 944 des voix (48,95%), contre 5 864 775 (32,33%) pour l’opposant historique Etienne Tshisekedi. Des chiffres que «rejette en bloc» le leader de l’Union pour la démocratie et le progrès social (UDPS), qui affirme que les procès-verbaux dont dispose son parti le donnent vainqueur avec 54% des suffrages, contre pour 26% Joseph Kabila. Il s’est donc autoproclamé «président élu».
Déficit de transparence
Sur invitation de la Céni, le Centre Carter a déployé 70 observateurs répartis en 26 équipes qui ont observé le processus de dépouillement et de compilation des bulletins des deux scrutins, à un seul tour. Pour l’ONG humanitaire et de promotion de la paix de l’ex-président américain Jimmy Carter, les résultats provisoires «manquent de crédibilité».
«La qualité et l'intégrité du processus de compilation a varié à travers le pays, allant de la bonne application des procédures à des irrégularités graves», écrivent les observateurs de l’ONG dans une «déclaration post-électorale».
Bilan:
«La mauvaise gestion du processus de ramassage et de compilation des résultats compromettent l'intégrité de l'élection présidentielle, mais elles ne remettent pas en cause l’ordre des résultats des candidats tel qu’annoncé par la Céni. Le processus de compilation est non crédible. Cependant, une analyse plus détaillée des résultats préliminaires pourrait faire apparaitre d'autres tendances et variations», fait savoir le Centre Carter.
A Kinshasa et Lubumbashi, capitale de la province du Katanga (sud-est), le processus de compilation des résultats «s’est avéré particulièrement problématique» à cause du «manque de préparation évident dans ces deux grandes villes». Le Centre Carter évoque la perte «de près de 2 000 plis contenant des résultats de bureaux de vote à Kinshasa», où le fondateur de l’UDPS est populaire. Une perte «représentant à peu près 350 000 électeurs» dont les votes ne seront «jamais comptés», commente-t-il, ajoutant qu’ailleurs «1.000 autres plis» ont été perdus – soit «500.000» votants dont la voix ne sera pas entendue.
Des données confuses
L’ONG explique aussi que les «résultats provisoires annoncés par la Céni révèlent plusieurs données qui manquent de crédibilité». Dans la province du Katanga, où Joseph Kabila possède une forte assise, elle cite l’exemple du Centre local de compilation des résultats (CLCR) de Malemba Nkulu. Il rapporte:
«Une participation de 99,46% avec 100% des voix, soit 266.886 pour Joseph Kabila et moins de 0,5% de votes nuls. Le territoire de Kabongo est similaire avec un fort taux de participation et pratiquement 100% des suffrages, avec 227.885 voix, pour Joseph Kabila et seulement 3 voix pour les autres candidats.»
Au final, «au Katanga, huit CLCR ont un taux de participation supérieur à 80%, bien au dessus de la moyenne nationale de 58% avec un résultat d’au moins de 89 pourcent pour Kabila».
En revanche, poursuit le Centre Carter, «l'examen des endroits où le candidat présidentiel Etienne Tshisekedi a récolté un nombre de suffrages élevé ne révèle pas la même coïncidence de récupération parfaite des données des bureaux de vote, ni de la participation extrêmement élevée». Ainsi, alors qu’il a reçu un «nombre très élevé de voix dans une grande partie du Kasaï Occidental (centre), dans 11 des 12 CLCR de la province le taux de participation était inférieur à la moyenne nationale».
En outre, au Kasaï Oriental (centre), sa province natale, où sur les neuf CLCR il a recueilli un «minimum de 90% de votes, le taux de participation s'est retrouvé très similaire à la moyenne nationale».
Habibou Bangré
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