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Tribune: Pourquoi les Africains dépensent sans compter
Selon l'écrivain béninois Marcus Boni Teiga, en Afrique, beaucoup ont pris l’habitude de vivre au dessus de leurs moyens. Mais cela peut-il encore durer?
«Econome n’est pas Africain» tout comme on dirait «impossible n’est pas Français ou Allemand, etc. ». Mais pourquoi donc les Africains ne sont pas si économes en général? La réponse est à la fois simple et complexe. Les Africains d’aujourd’hui le tiennent certainement de leurs ancêtres. Malgré leur évolution dans un mode de vie plus moderne avec des influences occidentales, cela semble résister à l’épreuve du temps. A telle enseigne qu’on pourrait presque penser qu’il s’agit d’un comportement congénital.
Heureusement, les Africains de la diaspora, notamment ceux vivant en Occident n’ont pas le même type de réflexe en matière de gestion. S’ils ne se comportent pas comme Harpagon, ce personnage de L’Avare, la célèbre pièce de Molière, il n’en demeure pas moins vrai qu’ils font très attention à leur portefeuille. Moulés dans une autre culture qui a ses codes et que beaucoup d’Africains ont de la peine à comprendre.
Déterminisme culturel?
Il n’y a rien de congénital chez les Africains dans leur façon de gérer leurs avoirs. Le phénomène est plutôt culturel, philosophique et spirituel. Les Africains dans l’ensemble sont plutôt très croyants. Tellement croyants qu’ils ne sont prêts à embrasser aucune religion, soit-elle révélée par Jésus-Christ ou Mahomet. Pour les ancêtres des Africains au sud du Sahara, «Dieu qui a créé la bouche pourvoira toujours à ses besoins». Inutile donc de se poser la question de savoir ce qu’on va manger demain. Demain viendra et son manger avec. Ce qui compte, c’est aujourd’hui.
Les Africains ne connaissent pas le proverbe chinois qui dit: «ne mange pas tout ton riz aujourd’hui, demain viendra». Pour peu que vous observiez, vous ferez une remarque importante. Ils ne calculent pas les dépenses à faire avant, mais seulement après qu’elles sont faites. C’est ce que les Occidentaux appellent: dépenser sans compter. Cela est symptomatique du manque de planification et de cet attachement quasi ombilical à la conception traditionnelle de la gestion du bien.
Jadis, cette façon de gérer les choses ne posait aucun problème. Car la société était bâtie sur des normes qui faisaient que personne ne devait avoir de surplus et ceux qui en avaient le cédaient automatiquement à ceux qui étaient dans le besoin. De surcroît, il y avait le devoir de partage, quel que soit ce que vous possédiez. Le travail était alors la valeur première, et la saine émulation au cœur de toutes les activités. Il n’y avait pas de place pour les parasites et les fainéants qui étaient la risée de tous et faisaient le déshonneur de leurs familles.
Autres temps, autres mœurs
Aujourd’hui, malheureusement, les temps ont changé. Mais les Africains eux, dans leur grande majorité, n’ont pas vraiment beaucoup changé depuis le temps de leurs ancêtres. Tenez par exemple: la communauté pense toujours que chaque fils ou fille ayant professionnellement réussi doit partager ses ressources avec elle. De haut en bas de la pyramide sociale, la mentalité est la même. Malheureusement, elle développe un certain parasitisme qui est antiéconomique et préjudiciable au développement. L’Africain est prêt à dépenser plus pour des funérailles que pour des soins de santé. Y compris en s’endettant au maximum. Du reste, il ne fait presque jamais avec les moyens dont il dispose. Le prestige rime avec la démesure, du plus pauvre au plus riche.
Là où un Européen va s’asseoir pour boire un verre de bière ou une bouteille de bière seul ou à plusieurs, un Africain en boira au moins deux s’il est seul. Non pas en fonction de son budget, mais parce que ce jour-là, il a envie de boire de la bière. Pour le reste, demain viendra et Dieu pourvoira. Mais Dieu qui, a semble-t-il, créé l’Africain en premier est manifestement lassé de pourvoir à ses besoins depuis l’origine de l’humanité. Il lui faut donc compter dorénavant sur lui-même et sur ses propres moyens pour les lendemains sans Dieu. Car Dieu lui-même est certainement un grand économe. Et il n’y a donc pas de raison qu’il soit content de ceux font le contraire.
Marcus Boni Teiga
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