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Ouganda - Bientôt la fin du régime sans bananes?
L’épidémie dévastatrice des bananes d’Afrique orientale et centrale pourrait bientôt prendre fin.
Depuis son apparition en Ouganda en 2001, la bactérie Banana Xanthomonas Wilt (BMX) s’est propagée jusqu’à contaminer tous les champs de bananes ougandais et des pays voisins (Burundi, RDC, Tanzanie, Kenya, Rawanda).
Une équipe de chercheurs a mis au point de nouvelles sortes de bananes transgéniques résistantes à la bactérie, et apparemment sans dangers pour l’homme. Le ministère de l’Agriculture ougandais vient de lancer une nouvelle campagne de sensibilisation et de protection des exploitations.
Le Guardian nous emmène en Ouganda, premier consommateur mondial de bananes. Là-bas, le fruit se cuisine à toutes les sauces, et chaque habitant en mange en moyenne trois fois son propre poids chaque année. Arthur Kamenya, agriculteur du secteur le confirme:
«(Les Ougandais en consomment au) petit-déjeuner, au déjeune et au dîner, 365 jours par an […] et ils en veulent toujours plus.»
Il existe de nombreuses variétés de bananes, mais aucune n’a échappé au fléau de la BMX. Si le pays se dit «fier d’être une république bananière», c’est aussi parce que la culture de la banane représente près de 70% du secteur agricole.
Autant dire que les ravages de l’épidémie ont des conséquences au quotidien: depuis 2001, ce secteur connaît des pertes annuelles avoisinant les 500 millions de dollars (presque 360 millions d'euros) dans toute la région.
Si de nombreux agriculteurs ont fait leur deuil de la banane au profit d’autres cultures, les chercheurs n’ont pas dit leur dernier mot.
Des protéines végétales présentes dans le poivron vert montrent une forte résistance à la bactérie qui infecte les bananes. A Kampala (capitale de l’Ouganda), le Programme national de recherche sur la banane a mis au point de nouvelles variétés du fruit modifiées génétiquement avec des gènes de poivron vert.
Feng Teng-Yung, spécialiste des pathologies végétales à un institut de recherche taïwanais, assure que «le gène est une protéine naturelle présente dans tous les organismes vivants […] Quand nous modifions une plante avec cette protéine, cela sert à stimuler ses défenses contre les infections comme les bactéries pathogènes».
Mais la levée de boucliers des groupes anti-OGM ne s’est pas fait attendre. Le problème est qu’en Ouganda (comme dans beaucoup d'autres pays africains), les OGM sont toujours interdits.
Le groupe anti-OGM nigérian Les amis de la terre dénonce ces initiatives de recherche transgénique en Afrique comme «un prétexte pour conduire des expérimentations en biotechnologie moderne sur les prétendues cultures vivrières de base».
Le site gabonais Gabonews rapporte les propos de Mariann Bassey, coordinatrice du programme de souveraineté alimentaire et des agrocarburants de l’organisation :
«Nous pensons que ce cas d’espèces (les bananes ougandaises génétiquement modifiées) est sans doute un moyen subtil de coloniser l’alimentation locale de l’Ouganda. Les promoteurs de cultures génétiquement modifiées ne doivent pas être autorisés à utiliser les Ougandais comme des cobayes.»
Dans l'attente d'un revirement de la jurisprudence ougandaise sur l'avenir des OGM, les spécialistes sont inquiets: il n’existe aucun autre moyen de freiner concrètement la propagation de la BMX.
Pour le moment, le gouvernement ougandais multiplie les initiatives pour protéger les exploitations non contaminées et détruire les plants infectés. De nombreux projets émergent d'une coopération internationale.
Mais une chose est sûre, OGM ou non, les Ougandais ne sont pas prêts de se mettre au régime sans bananes.
Lu sur Guardian, SciDev, Gabonews