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Le roi du monarque Mohammed VI, à Rabat le 23 mars 2017. FADEL SENNA / AFP
Le roi du monarque Mohammed VI, à Rabat le 23 mars 2017. FADEL SENNA / AFP

Le roi du Maroc accusé d'avoir ignoré des preuves de violences policières dans le Rif

L'ONG Human Rights Watch affirme que Mohammed VI a ignoré des rapports de médecins légistes qui ont constaté des cas de tortures.

Depuis plusieurs mois, la colère gronde dans la région du Rif au Maroc. Dans ce territoire pauvre et longtemps ignoré par le pouvoir central, la contestation est présente depuis des années. Mais en octobre 2016, la mort aussi tragique qu'atroce de Mouhcine Fikri, un vendeur de poisson, le 28 octobre, avait fait explosé le couvercle de la marmite. Ce quidam, tentait de récupérer sa marchandise jetée dans une benne à ordures par des agents de la ville d'Al-Hoceima, quand il avait été happé par la machine. La vidéo de son décès a été publiée sur YouTube et avait été vue plusieurs centaines de milliers de fois.

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Depuis, des manifestations se sont répétées. Mais les promesses du roi Mohammed VI avaient calmé la population. Le monarque jouit toujours d'une belle cote de popularité dans le pays, qui sera peut-être ternie par les dernières révélations de l'ONG Human Rights Watch. Dans un rapport publié le 5 septembre, les enquêteurs mettent en effet en relief que le roi a ignoré des preuves de violences policières contre des manifestants du Rif dont il avait eu connaissance. 

Des aveux sous la contrainte

Lors d’un discours télévisé à l’occasion de la Fête du Trône du 30 juillet, Mohammed VI semblait dédouaner les forces de l’ordre de toute responsabilité dans les troubles survenus à Al Hoceima, chef-lieu de la région du Rif, affirmant qu’elles avaient fait preuve de «retenue et […] d’un grand respect.»

Alors que selon Human Rights Watch, le chef de l'Etat était au courant de cas de tortures.

«Le roi a ignoré des rapports de médecins légistes qui, après avoir examiné des détenus du Rif, ont constaté des lésions accréditant les accusations de violences policières. Selon les rapports des médecins, commandités par le Conseil National des Droits de l’Homme (CNDH), un organisme d’État indépendant, plusieurs détenus affirment que la police les aurait contraints à signer leurs procès-verbaux d’interrogatoire sans les lire. Plusieurs parmi eux purgent aujourd’hui des peines de prison, tandis que d’autres sont en détention préventive de la loi», affirme Human Rights Watch dans son rapport. 

Une colère tournée vers les forces de police

Des révélations qui renforceront sûrement les croyances d'une population qui dit son désarroi contre la corruption et l'impunité qui règne dans les forces de police. 

«L’éloge royal inconditionnel des forces de sécurité, malgré les accusations qui pèsent contre elles, ne fera qu’ancrer la certitude qu’au Maroc, on peut abuser d’un détenu sans répondre de ses actes», a déclaré Sarah Leah Whitson, directrice de la division Moyen-Orient et Afrique du Nord à Human Rights Watch.

«La population se sent libre de manifester, les gens ne descendent pas dans la rue dans la peur. La colère des gens est plus tournée vers l'administration policière mais pas vers le roi. Au Maroc, on peut avoir cette nuance», nous confiait le politologue Jean-Noël Ferrié en octobre 2016. À voir si cette nouvelle affaire allume à nouveau une étincelle dans le Rif. 

Camille Belsoeur

Journaliste à Slate Afrique. 

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