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Le plagiat, sport national des Français
Ces derniers mois, des affaires de plagiat ont éclaboussé le milieu littéraire français. Une spécialité parisienne?
Il y a quelques années, Thierry Ardisson, auparavant publié chez Albin Michel, Gallimard, Du Seuil, écrivait Pondichery: ce roman était une contrefaçon sauvage de plusieurs ouvrages. Le livre avait été mis au pilon par Albin Michel!
Le plagiat, un sport bien français
Si l’animateur à succès a continué à parler de livres dans ses différentes émissions, il n’a plus jamais eu la prétention de se piquer de littérature, hors des témoignages et des œuvres de collaboration.
Il y a quelques mois, Patrick Poivre d’Arvor (PPDA) a été confondu d’une façon telle que ceux qui, en Afrique, suivent son actualité, avaient pensé qu’il prendrait du temps pour son prochain livre, histoire de faire oublier sa forfaiture.
Il est revenu récemment avec un ouvrage qui n’a pas encore livré son lot de contrefaçons, mais dont on sait, avant tout examen sur le fond, qu’il n’est pas l’œuvre d’un écrivain français de premier ordre.
Un plagiat chassant l’autre, le journaliste Joseph Macé-Scaron a fait son «Montaigne», son «Jean de la Fontaine» dans son roman Ticket d’entrée. Sa ligne de défense a consisté en la justification de ses emprunts par la pratique courante de l’intertextualité qu’il a redéfinie à sa manière, avec son style, tout en clins d’œil que peine à éclairer la thématique de son œuvre ou son contexte d’écriture.
Que dire de la nouvelle «queen of denial» (reine du démenti), Rama Yade, qui campe dans un pathétique déni? La talentueuse «Noire» serait plus recevable dans sa défense si elle avouait avoir recouru à un nègre, coupable de cette infamie.
Elle a dit ne pas se faire aider, c’est un mérite bien mince quand on a été piqué à gauche et à droite. Son éditeur, impitoyable envers les lecteurs français, s’est fendu d’un communiqué où il a osé promettre une «réimpression ou réédition».
La sempiternelle excuse du temps d’écriture, également avancée plus tôt cette même année par PPDA, n’est-elle pas la preuve qu’ils devraient tous se consacrer dans les activités qui les ont révélés plutôt que dans celles où ils s’enlisent en dépit d’aptitudes non reconnues?
Les qualités avérées de plume de François Mitterrand font de plus en plus défaut à la classe politique française. Ayant aimé le dernier Mélenchon (Qu'ils s'en aillent tous!: Vite, la révolution citoyenne), j’espère de tout cœur que tout est de lui. Avec la verve qui est la sienne, ce serait bien justice qu’une telle écriture!
Tout ceci en l’espace d’un an!
Consécration de la médiocrité et banalisation du talent
Les éditeurs français ont inventé une nouvelle écologie qui consiste au recyclage à l’échelle industrielle, à la chaîne, d’auteurs contemporains ou tombés dans le domaine public …
L’une des constantes dans ce sport bien français est que tous ces auteurs fabriqués sont édités par de puissantes maisons d’édition qui détiennent les versions électroniques des ouvrages publiés et peuvent passer au scanner tous les manuscrits qui leur sont soumis. De tels logiciels sont utilisés dans certains milieux universitaires et sont d’une évidente efficacité!
En réalité, les éditeurs ne s’intéressent ni à la vérité, ni au talent (non compris celui de vendre), et le scandale d’un plagiat ne fait plus peur à personne. Ils ne sont ni Voltaire ni Montaigne, mais se croient fondés à justifier leurs égarements par le fait que ces illustres auteurs avaient en leur temps été convaincus de plagiat: comme c’est commode! Voltaire l’a fait, Montaigne aussi, etc.
– Pourquoi pas nous?
– Quand vos œuvres auront atteint à l’immortalité, tout cela vous sera passé. Mais rien dans les productions dénoncées ne relève généralement du chef d’œuvre!
Certains éditeurs, comme cela a été le cas avec PPDA, vont jusqu’à revendiquer la responsabilité de la supercherie. C’est qu’ils ne sont pas simplement complices, ils sont coauteurs de ces pratiques.
«Les voleurs de beauté»: plagiat, mode d’emploi
Puisqu’ils sont de plus en plus nombreux à défendre ce type de productions, pourquoi n’en feraient-ils pas un genre littéraire à part entière où l’on verrait au bas de certains ouvrages «plagiat», comme on peut lire sur d’autres «roman» ou «essai»? Cela resterait un plagiat parce que les auteurs n’indiqueraient pas leurs «sources».
Quant aux genres traditionnels, l’on ferait figurer cet avertissement dans chaque œuvre:
«Toute ressemblance avec une œuvre précédemment publiée est voulue et a été mise là pour que vous la découvriez.»
Ce qui leur est reproché finalement à ces écrivains, ces machines à copier-coller, ça n’est pas les reproductions serviles et non déclarées, mais de se faire piéger par des journalistes, des étudiants: c’est donc qu’ils ne mettent aucun art dans leur production. La hâte leur fait négliger les précautions élémentaires de maquillage, de brouillage des pistes.
Une épizootie française?
Si la déclaration du directeur littéraire et avocat Emmanuel Pierrat est vraie,–le 3 octobre 2003, dans l'émission Merci pour l’info de Canal+, ce dernier a affirmé, sur la base d’on ne sait quelles statistiques, que 90 % des ouvrages signés par des personnes publiques sont rédigés par des «nègres de l’édition», si c’est seulement à moitié vrai, alors la France de l’écriture va complètement mal et serait bien inspirée d’importer désormais des écrivains d’Afrique au même temps que des footballeurs. Car les «nègres» de cette France-là semblent avoir des «backlog» (retards) et surcharges de commandes qui leur font se livrer au pillage méthodique d’œuvres déjà publiées.
Karl-Theodor zu Guttenberg, ministre allemand de la défense, responsable d’une imposture scientifique, a démissionné alors qu’il jouissait d’une côte de popularité que Sarkozy lui aurait reprise contre n’importe laquelle de ses Rolex. Aux USA, le Washington Post a suspendu Sari Horwitz, ce même mois, de mars 2011 pour des faits de «plagiarism».
Contrairement aux éditeurs français qui donnent le sentiment d’encourager ces pratiques, la règle outre-Atlantique semble être à la tolérance zéro! L’on a particulièrement admiré la déclaration d’un éditeur américain (Little, Brown & Company). C’était il y a un mois:
«Notre objectif est de ne jamais avoir à traiter une affaire de plagiat mais si ce genre de situation se présente, il est important pour nous de communiquer avec les lecteurs et les distributeurs aussi vite que possible.»
Celui-ci a mis le roman querellé au pilon sitôt que les «copillages» ont été révélés. On ne reverra pas de sitôt l’auteur, Q. R. Markham (initales de Quentin Rowan), en tête de gondole des librairies américaines.
Les plagiaires ne sont jamais des auteurs irremplaçables, d’où vient-il que l’on persiste à les publier après qu’ils ont fait l’étalage savant de leurs limites? Ils ne peuvent pas simuler d’être écrivains parce que ne sachant pas comment dissimuler leurs «emprunts», leurs platitudes: importez des écrivains d’Afrique, voilà sans doute un fier service qu’on peut rendre à la littérature issue du pays de Molière (autre illustre plagiaire?)!
Eric Essono Tsmi
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