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Des Afro-Antillais dans les rangs d'Hitler

Des Afro-Antillais aux côtés d'Hitler pendant la Seconde Guerre Mondiale (1939-1945), idée impensable? Et pourtant vrai comme le démontre le dernier livre du journaliste franco-ivoirien Serge Bilé intitulé «Sombres bourreaux».

Sorti en France le 4 novembre 2011, ce livre revient sur le destin tragique de ces Afro-Antillais; Guadeloupéens, Réunionnais, Martiniquais, qui ont adhéré à l'idéologie nazie. Des révélations fracassantes que Serge Bilé a mis près de huit ans à récolter. Il a commencé son travail de recherche en 2004 pour témoigner aujourd'hui des noirs qui, malgré les lois raciales de Nuremberg promulguées en 1935, ont intégré les rangs de la Wehrmacht. Mais aussi ceux de Mussolini en Italie ou encore de Franco en Espagne.

Comment expliquer ce paradoxe? Comment expliquer qu'un soldat africain, Ewan Ngando, ait réussit à se faire enrôler dans la Wehrmacht alors que l'accès à l'armée allemande était formellement interdit aux noirs et aux métis? Comment expliquer que des noirs, directement menacés par l'idéologie nazie, puissent en faire partie?

Pour Serge Béli, les raisons sont multiples et complexes. A travers son propos, il tend à démontrer que pour beaucoup de noirs qui ont rejoint la Wehrmacht, il s'agissait surtout de contourner la menace nazie. «Il y en avait pour qui il s’agissait juste de sauver sa peau, dans une France où de toutes les façons ils n’avaient pas leur place.»

Car l'auteur, avec son précédent livre «Noirs dans les camps nazi» avait démontré que dans les camps de concentration allemands, il y avait aussi des noirs, un sujet peu abordé dans les livres d'histoire. Pour certains donc, il s'agissait de se mettre à l'abri, d'éviter d'être à leur tour déportés. Comme l'explique Serge Bilé à Afrik.com, pour d'autres en revanche 

«c’était une manière de dire: "Nous sommes allemands comme les autres et nous voulons défendre notre pays!" Ils avaient en eux une part de nationalisme y compris une admiration pour Hitler.»

C'était le cas de Norbert Désirée, un Guadeloupéen né à Pointe à Pitre en 1909, le personnage principal dont le livre suit le parcours. Pour lui, il s'agissait d'une motivation financière et nationaliste. Serge Bilé l'explique:

«Il avait envie de voir la France se relever. Autre chose, Norbert était clairement anti-communiste et ne voulait pas que le bolchevisme arrive en Guadeloupe.»

Un sujet délicat à traiter, que Serge Bilé a lui-même eu du mal à faire admettre:

«Quand je raconte cette histoire, on ne me croit pas tellement elle paraît invraisemblable.» Pourtant il affirme: «[...] c’est aux acteurs de s’approprier leur histoire et de la raconter, qu’elle soit glorieuse ou pas.»

Glorieuse ou pas, pour lui, il est normal d'aborder cette page de l'Histoire et normal que ces Afro-Antillais soient jugés au même titre que les soldats d'Hitler et les collaborateurs, sans distinction.

«Ils ont eu au même titre que les collaborateurs leur part de responsabilité dans les atrocités commises au sein de l’armée allemande.» 

Lu sur Afrik.com, Jeune Afrique, Abidjan.net

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