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Aliko Dangote, un milliardaire si mystérieux
Avec une fortune estimée à 10,1 milliards de dollars (7,7 milliards d’euros), Aliko Dangote est l’homme le plus riche d’Afrique. Inconnu du grand public, le Nigérian a construit un empire industriel dans son pays.
Mise à jour du 12 juin 2012 : l’homme le plus riche d’Afrique Aliko Dangote a inauguré hier, au Nigéria, en présence du président Goodluck Jonathan, la plus grande usine de ciment de l’Afrique sub-saharienne. Il s’agit d’un des plus gros investissements privés au Nigéria avec une capacité de production de plus de 10 millions de tonnes par an. Aliko Dangote s’est félicité d’« un moment important pour le groupe et le pays ». Le Nigeria devrait connaître une croissance économique de près de 6% cette année.
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A 54 ans, Aliko Dangote est membre du cercle très fermé des milliardaires africains. En 30 ans de carrière, le businessman a développé un groupe qui, aujourd'hui, traverse les frontières. Retour sur le parcours de cet homme discret.
Un jeune entrepreneur ambitieux
Issu d’une famille commerçante de Kano, dans le nord du Nigeria, Aliko Dangote se lance dans les affaires dès l’âge de 20 ans, en 1977. Son oncle lui octroie un prêt de 500.000 naira (2.300 euros) et lui achète trois camions de 10 tonnes pour vendre du ciment.
Rapidement, les affaires sont fructueuses pour le jeune Nigérian. A la fin des années 70, le ciment coûte extrêmement cher. La matière étant rare, les clients paient plusieurs mois à l’avance. Ainsi, un camion de ciment peut rapporter 1400 naira par jour (6 euros par jour). Dangote n’a donc aucun problème à rembourser son prêt.
Fort de son succès, le jeune homme d’affaire décide de se diversifier. A l’étroit dans sa ville de Kano, il se lance à la conquête de la capitale de l’époque, Lagos. En mai 1981, le Dangote group est créé. Le ciment demeure l’unique activité de la compagnie.
Le 31 décembre 1983, les militaires arrivent au pouvoir par un coup d’Etat. Accusés de corruption, nombre d’hommes d’affaires de la capitale sont arrêtés par le régime autoritaire. Dangote profite de la situation pour investir les marchés laissés vacants par les entrepreneurs emprisonnés.
Le jeune Nigérian étend ses activités au secteur alimentaire (sucre, riz…). Curieux et soucieux de développer ses affaires, Dangote effectue un voyage au Brésil, en 1999:
«Je pensais que le Brésil et le Nigeria se situaient à peu près au même niveau, parce qu’à cette époque on entendait dire que le Brésil était une nation très endettée. Mais quand j’y suis allé, j’ai découvert une industrialisation massive. Incroyable. J’ai commencé à réfléchir en me disant ‘comment se fait-il qu’il y ait un tel développement de l’industrie au Brésil et pas au Nigeria. A mon retour, j’ai décidé de me lancer dans l’industrie.’»
Ce séjour s’avère décisif pour l’avenir de la société qui va changer de stratégie à la fin des années 90. Dangote Group, compagnie commerciale, va devenir un géant de l’industrie.
Capitaine d’industrie
De retour au Nigeria, le groupe Dangote prend une nouvelle dimension. Le PDG construit une raffinerie de sucre. Dangote décide également de construire des minoteries et une usine de pâtes. Aujourd’hui, Dangote Sugar Refinery est le plus grand fournisseur de sucre pour les compagnies de soda, les brasseries et les confiseurs au Nigeria.
Devenu un conglomérat, le groupe compte treize sociétés implantés dans divers secteurs, du textile au transport, en passant par le gaz. Le Nigérian n’en a pas pour autant délaissé le secteur du ciment.
En 2000, le gouvernement vend à la compagnie, la Benue Cement Company Plc et trois ans plus tard, la Obajana Cement Plant, la plus grande usine de ciment d’Afrique subsaharienne est rachetée par le groupe.
En 2007, deux de ses treize sociétés sont cotées à la Nigerian Stock Exchange (NSE), la bourse nigériane. La valeur des parts de sa société Dangote Cemente est évaluée à 10 milliards de dollars (7,7 milliards d'euros), c'est la plus grosse capitalisation boursière de la NSE.
Le groupe Dangote est dorénavant implanté dans plusieurs pays d’Afrique subsaharienne avec des usines en Zambie, au Sénégal, en Tanzanie et en Afrique du Sud. Et le Nigérian de Kano ne compte pas s’arrêter là.
Dangote a obtenu, en août 2011, l’accord de la Banque Centrale du Nigeria pour investir 4 milliards de dollars (3 milliards d’euros) dans la construction d'installations en Côte d’Ivoire consacrées à ses activités dans le ciment. Au Cameroun, les travaux d’une usine de ciment à 115 millions de dollars (88 millions d’euros) ont été entamés. Le milliardaire se sert également de sa fortune pour faire des dons.
Un donateur controversé
Aliko Dangote est réputé pour sa philanthropie, ce dernier a donné des millions de dollars en faveur de la santé et de l’éducation. En revanche le soutien financier qu’il a apporté au People’s Democratic Party, formation politique au pouvoir depuis 1999, a fait polémique. The Economist rappelle que ses détracteurs n'hésitent pas à critiquer cette collusion douteuse.
Lors de la présidentielle de 2003, l’homme d’affaires finance la campagne du président sortant, Olusegun Obasanjo. Dangote donne 200 millions de naira (945.550 euros) pour le projet de librairie présidentielle et 50 millions de naira (236.390 euros) à la mosquée nationale.
Quatre ans plus tard, les rapports ambigus que Dangote entretient avec le pouvoir présidentiel sont, une nouvelle fois, sujets à controverse. En 2007, le groupe achète à l’Etat la raffinerie de Port-Harcourt, situé dans le sud du pays.
Dix jours après cette acquisition, le 28 mai 2007, dernier jour de son mandat, Olusegun Obasanjo vend 51% des parts de la Kaduna Refining and Petrochemical Company, une autre raffinerie, à Bluestar Oil Services, consortium mené par l’homme d’affaires nigérian, pour 160 millions de dollars (123 millions d’euros).
L’acquisition de deux des quatre raffineries d’Etat par le groupe Dangote est sévèrement condamnée. A tel point qu’une grève générale va paralyser le pays. Deux des principaux syndicats du pays, la Nigeria Labor Congress (la NLC représente les ouvriers) et la Trade Union Congress (la TUC défend les intérêts des cadres), exigent notamment l’annulation des ventes qu'ils qualifient de bradage. Au bout de quatre jours, ils obtiennent gain de cause.
Toutes ces affaires n’ont pas freiné l’ascension de Dangote. En mai 2010, son nom est évoqué pour entrer dans le capital d’Arsenal à hauteur de 16%. Le Nigérian est un grand fan du club anglais de football qui compte parmi les plus prestigieuses équipes européennes. Le principal intéressé a très vite démenti ces rumeurs.
Le 14 novembre 2011, Aliko Dankote est fait Grand Commandeur de l’Ordre National du Niger par le président Goodluck Jonathan. Aujourd’hui, ce dernier compte développer ses activités dans le pétrole et le gaz sur les quatre prochaines années. Il souhaite investir 10 milliards de dollars (7,7 milliards d’euros) dans ce secteur. Aliko Dangote ne devrait pas disparaître de sitôt du classement des Africains les plus riches.
Jacques-Alexandre Essosso
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