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Manifestation des Oromos contre la répression du pouvoir éthiopien. Johannesburg. 18 août 2016. Gulshan Khan/ AFP
Manifestation des Oromos contre la répression du pouvoir éthiopien. Johannesburg. 18 août 2016. Gulshan Khan/ AFP

Le fédéralisme ethnique remis en cause en Ethiopie

Alors que le pays est cité en exemple pour son modèle de fédéralisme ethnique, les contestations actuelles des Oromos révèlent d'énormes frictions dans la société éthiopienne.

Depuis le mois d'octobre, l'Éthiopie est secouée par une vague de contestation dans la région Oromia où vivent les Oromos. L'ethnie majoritaire accuse le pouvoir central dirigé par le Front démocratique révolutionnaire des peuples éthiopiens (FDRPE) d'accaparer leurs terres pour les octroyer aux investisseurs étrangers. Le FDRPE est une coalition de quatre groupes politico-ethniques: le Mouvement démocratique national Amhara, le Front de libération du peuple du Tigré, le Front démocratique du peuple Oromo et le Front démocratique des peuples, nations et nationalités du Sud. 

Après neuf mois d'état d'urgence pour essayer d'étouffer la contestation, place au compromis. Le gouvernement a adopté le 27 juin un projet de loi reconnaissant la négligeance des autorités centrales sur cette région qui concentre les frustrations actuelles. Selon les termes du projet de loi : « L'Oromia recevra des terres et la région pourra construire des infrastructures administratives et des services publics sans contrepartie de caution. »

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D'après le site d'information  Quartz , à peine présenté au Parlement pour adoption que ce projet de loi suscite d'énormes polémiques et révèlent au grand jour les tensions ethniques profondes dans le deuxième pays le plus peuplé du continent.

Une co-gestion d'Addis Abeba

Le projet de loi est un effort important du FDRPE pour satisfaire certaines revendications des Oromos en reconnaissance de la spécificité de leur région. Les Oromos souhaitent que l'oromifa soit une langue officielle du gouvernement central au même titre que l'Amharique -la langue des Amharas. Ce qui implique son enseignement dans les écoles d'Addis Abeba. Le taux de chomage des jeunes est estimé à 8,1% selon la Fondation Mo Ibrahim . Et la jeunesse Oromo qui est la plus touchée pointe du doigt la discrimination linguistique.

Les Oromos qui représentent environ le tiers de la population estiment que la capitale fédérale éthiopienne appartient à la région d'Oromia. Historiquement la ville a été fondée dans cette région. De fait, ils réclament qu'Addis Abeba retrouve son nom originel, Finfinne en oromifa. De même que les places publiques, les itinéraires et les quartiers. Pour ce faire, ils exigent du gouvernement la création d'un conseil conjoint pour l'administration de la ville. Comme le souligne Quartz, c'est une bataille que se livrent Oromos et Amharas pour la paternité de la capitale éthiopienne.

Achoppement

Au sein du parti au pouvoir, les débats, entre le Mouvement démocratique national Amhara et le Front démocratique du peuple Oromo, achoppent sur le dégré de privilège à accorder aux Oromos dans une capitale multiethnique. La ville ne compte que 20% d'Oromos. Mais pour de nombreux militants, le projet de loi en l'état ne répond pas aux préoccupations des Oromos. Ils font valoir que les promesses d'indemnisation des fermiers pour de nouvelles expulsions prouvent que le gouvernement a toujours l'intention d'étendre la ville. Alors qu'Addis Abeba s'est développée de manière fulgurante ces dix dernières années, les autorités ont publié un plan directeur en avril 2014 qui prévoyait le déguerpissement des résidents et agriculteurs oromos. Bien que le plan ait été abandonné en janvier 2016 , il constitue la source de tension entre les Oromos et l'État central.

Rodrigue Arnaud Tagnan

Journaliste à Slate Afrique. 

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