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Quand l'homosexualité devient un enjeu politique

Les droits de l'homme, c'était le thème majeur du dernier sommet annuel du Commonwealth qui s'est tenu fin octobre à Perth, au sud-ouest de l'Australie. Les 54 Etats membres du Commonwealth, —en grande majorité d'anciennes colonies britanniques—, avaient pour but de trouver un accord garantissant les droits des minorités sexuelles au sein des pays concernés.

Le Premier ministre britannique, David Cameron, avait menacé d'exclure des programmes d'aides britanniques les pays qui ne reconnaissaient pas les droits des homosexuels. Relent colonialiste ou prétexte pour restreindre les aides financières en cette période de crise économique? Quoi qu'il en soit, ces menaces n'ont pas plu à plusieurs des membres du Commonwealth qui n'entendent pas laisser la Couronne britannique s'ingérer dans leurs affaires intérieures. C'est le cas du Nigeria et du Zimbabwe.

«C'est de pire en pire et satanique quand on voit un Premier ministre comme Cameron déclarer que les pays qui veulent l'aide britannique doivent accepter l'homosexualité. Faire une suggestion aussi diabolique est stupide» a déclaré Robert Mugabe, président du Zimbabwe.

Au Nigeria, un projet de loi condamnant à 14 ans de prison le mariage homosexuel a été voté par le Sénat le 29 novembre alors que dans 12 Etats du pays appliquant la charia, l'homosexualité est déjà passible de la peine capitale. Cette loi doit encore être ratifiée par la Chambre basse du Parlement nigérian avant d'être signée par le président Goodluck Jonathan mais la réponse à David Cameron est là. Le Nigeria n'entend pas céder aux pressions occidentales. Pire, elle aurait tendance à durcir le ton sur le sort des homosexuels. Car en plus de cette loi condamnant à 14 ans de prison tout Nigérian épousant une personne du même sexe, il est également prévu que les législations déjà en vigueur soient renforcées en criminalisant aussi les témoins et personnes qui assisteraient à ces mariages.

Une décision qui étonne Unoma Azuah, écrivain et activiste homosexuel nigérian:

«Je n'ai jamais entendu un seul Nigérian homosexuel réclamer des droits en terme de mariage homosexuel. [...] Je suis perplexe de voir que les législateurs jugent la question de l'homosexualité plus importante que le terrorisme, la corruption, le manque d'infrastructure ou l'éducation dans le pays.»

Durant les débats, les sénateurs eux, ont argué que «l'homosexualité est une maladie mentale» et «que de tels éléments devraient être tués.»

Des propos abjects qui sont pourtant révélateur du traitement des homosexuels au Nigeria. Dans ce pays divisé entre un Nord musulman et un Sud catholique, le ressentiment à l'encontre des homosexuels est l'un des rares sujets sur lesquels l'ensemble des Nigérians sont unis. Un fait qui n'échappe pas aux autorités.

D'après The Guardian, beaucoup de Nigérians voient en cette loi un moyen pour le gouvernement de marquer des points dans une société profondément religieuse et largement intolérante face à l'homosexualité. Selon une étude datée de 2008, réalisée par l'Agence nigériane d'Information sur les droits sexuels et reproductifs, seuls 1,4% de Nigérians se disent «tolérants» envers les minorités sexuelles.

Des pressions britanniques qui, au final, sont jugées par plusieurs associations de droits des homosexuels au Nigeria, plus comme des entraves que comme des aides.

«Ces menaces augmentent au contraire la colère des fondamentalistes chrétiens qui aiment se considérer comme les 'gardiens de la culture africaine' plutôt que de servir la cause des homosexuels.» affirme Unoma Azuah. 

Une instrumentalisation de la question qui a également lieu au Zimbabwe. Alors que le président Robert Mugabe, au pouvoir depuis 1980, déclarait en réponse à David Cameron:

«Ne soyez pas tentés par ça. Si vous prenez cette direction, vous serez sévèrement punis. C'est condamné par la nature, par les insectes, c'est pour ça que je dis que c'est pire que les cochons ou les chiens.»,

Son Premier ministre et principal rival Morgan Tsvangirai affirmait lui:

«Ma position est que j'espère que la Constitution garantira la liberté d'orientation sexuelle, tant qu'elle ne dérange personne. [...] Bien sûr, il y a un ressentiment culturel très fort à l'encontre des gays. Mais pour moi, il s'agit d'un droit humain. Les individus doivent être autorisés à faire leurs choix»

Des propos surprenant de la part d'un homme qui avait refusé d'inclure les droits homosexuels dans la nouvelle Constitution en 2010 comme le rappelle Têtu, et qui se demandait en mars 2010 «pourquoi un homme devrait avoir une relation avec un autre homme quand les femmes représentent 52% de la population?».

L'élection présidentielle au Zimbabwe, maintes et maintes fois repoussée, est prévue pour 2012. Coïncidence?

Lu sur Têtu, The Guardian

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