mis à jour le

Le Mali a nouveau menacé par les groupes djihadistes
Les exactions de groupes islamistes se multiplient dans le centre du pays. Une large partie du territoire échappe désormais à l'autorité de Bamako.
Le Mali a l'impression de revivre un vieux cauchemar. Alors que le pays pensait les troubles sécuritaires provoqués par des groupes djihadistes et indépendantistes circonscrits au nord du pays depuis les opérations militaires Serval et Barkhane déployées par les troupes maliennes et françaises en 2013, la tempête souffle de nouveau vers le sud.
Jamais stabilisée dans le nord du Mali, la situation sécuritaire s'est de nouveau fortement détériorée dans le nord, puis dans le centre du pays depuis quelques mois. En 2015, un accord de paix qui avait mis fin au conflit armé de 2012-2013 avait pourtant soulevé l'espoir d'une normalisation. Mais, «les signataires n’ont pas réussi à appliquer plusieurs de ses dispositions essentielles, en particulier celles qui concernent le désarmement de milliers de combattants. En 2016, le nombre de morts au sein des forces de maintien de la paix des Nations Unies a doublé par rapport à l’année 2015, pour atteindre 29», souligne l'ONG Human Rights Watch dans un rapport datant du 18 janvier.
Dans le centre du Mali, des combattants islamistes multiplient désormais les menaces, intimidations et crimes contre des policiers ou des chefs de village soutenant l'armée malienne. Le site d'information Le Journal du Mali qualifie ainsi de «Far West» une large partie du pays.
«Cela attire les plus démunis»
Un homme est notamment accusé de profiter du vide laissé par l'Etat dans les régions du centre pour mettre le feu aux poudres: l'islamiste radical Kouffa Diallo.
«Lui et les autres islamistes de la région parlent de libération, d’émancipation et d’épanouissement, cela attire les plus démunis, les pasteurs transhumants et certains marabouts. Il y a dans ce combat une forme de révolution sociale vis-à-vis de l'Etat et des structures communautaires», décrypte Bakary Sangaré, anthropologue malien, doctorant à l’université de Leyde aux Pays-Bas, dans les colonnes du journal Le Monde.
Ce retour en force de combattants djihadistes est corrélé avec la recomposition de groupes armés affaiblis lors des combats face aux troupes françaises et maliennes. Kouffa Diallo a ainsi fait son retour, après plusieurs mois d'absence, à la katiba du Macina.
À lire aussi sur Slate Afrique: Comprendre la très complexe nébuleuse djihadiste malienne
Le groupe Al-Mourabitoune est lui issu d'une fusion entre le Mujao, lui-même un groupe armé djihadiste salafiste issu d'une scission d'Al-Qaïda au Maghreb islamique (Aqmi) et des Signataires par le sang, un mouvement djihadiste fondé par Mokhtar Belmokhtar, personnage central de la galaxie djihadiste dans la région du Sahel. En janvier 2017, Al-Mourabitoune est revenu dans le giron d'Aqmi.
Les agences d'aide attaqués
Les communautés peules et dogo sont particulièrement visées par ces exactions.
«Ils viennent à plusieurs en moto et bien armés. Ils parlent de la défense de l’Islam et nous disent de refuser tout ce qui n’en fait pas partie. Ces prêcheurs racontent ce que les éleveurs peuls veulent entendre, que l’Islam interdit de payer le droit d’accès aux pâturages qui autrement peut se négocier à des centaines de milliers de francs CFA. Ils adhèrent à ces groupes aussi pour ça», explique au Journal du Mali, Issa Dicko, le frère d'un chef de village Dogo abattu par des djihadistes en 2015.
Un climat de peur semble s'être désormais installé dans le centre et dans le nord. Les écoles et les services de soins sont également visés pour détourner les citoyens de l'Etat et des ONG occidentales.
En 2016, les agences d’aide ont été la cible d’au moins 35 attaques, essentiellement menées par des bandits dans les régions du nord, selon Human Rights Watch. Au moins six véhicules transportant des travailleurs de santé et des malades ont été volés. Dans plusieurs cas, les patients ont été expulsés des véhicules attaqués. Plusieurs civils ont été tués par des mines et engins explosifs improvisés placés sur les principales routes d’accès par des membres des groupes armés.
La loi du silence
La population dénonce la corruption de l'armée qui ne lutte pas efficacement contre les incursions des groupes armés.
«L’incapacité du gouvernement à reprendre le contrôle de la situation et à limiter les abus des forces de sécurité n’a fait que détériorer encore un peu plus la situation», dit Corinne Dufka, directrice adjointe de la division Afrique à Human Rights Watch.
Devant le manque de protection, les habitants sont réduits à la loi du silence par les milices.