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Une pancarte sur le sol, après le coup d'Etat qui a délogé Tandja. Niamey, Niger, le 21 février 2010. REUTERS/Emmanuel Braun
Une pancarte sur le sol, après le coup d'Etat qui a délogé Tandja. Niamey, Niger, le 21 février 2010. REUTERS/Emmanuel Braun

Mon Général, nous vous prions de rendre le pouvoir

Dans des pays marqués par de longues dictatures, le doute est permis lorsque des putschistes promettent d'organiser des élections démocratiques. Mais la Guinée a réussi sa transition, et le Niger espère le second tour d'une présidentielle transparente.

Dans des pays marqués par de longues dictatures, le doute est permis lorsque des militaires putschistes promettent d'organiser des élections démocratiques. En Guinée le processus a fonctionné, et les Nigériens sont aujourd'hui en passe d'élire leur nouveau président. Reste à savoir pourquoi ces transitions ont réussi; tiennent-elles d'une réelle volonté démocratique de la part des généraux au pouvoir, ou de considérations plus pragmatiques?

Sékouba Konaté est un homme soulagé. Attablé nonchalamment à une terrasse parisienne, le général qui a mené la transition en Guinée a laissé derrière lui les manigances politiques qu'il dit exécrer, et peut désormais vaquer à ses occupations.

Oublié le pouvoir: les courtisans qui assaillaient sa résidence présidentielle à Conakry ont disparu, et aujourd'hui seuls ses fidèles l'accompagnent. Auréolé d'une image de militaire-démocrate, ses frais de séjour à Paris lui sont offerts, et les portes de la cellule africaine de l'Elysée largement ouvertes.

Aujourd'hui, Paris n'accueille donc plus seulement des dictateurs en exil, mais aussi des chefs d'État qui ont fait un choix de raison: partir après avoir organisé une élection transparente.

Cette vision détonne, mais pourrait bientôt devenir la norme en Afrique. Sékouba Konaté et Salou Djibo, le maître d'oeuvre de la transition nigérienne, montrent que les anciens schémas ne sont plus forcément d'actualité. Pour une fois, le nom de leurs juntes —Conseil national pour la démocratie et le développement (CNDD) en Guinée, Conseil supérieur pour la restauration de la démocratie (CSRD) au Niger— n'aura pas été galvaudé.

Konaté, Général et démocrate

Quand Sékouba Konaté a pris l'intérim de la présidence guinéenne, il a assuré que le pouvoir ne l'intéressait pas. Une affirmation difficile à croire, quand on sait que l'homme est à la tête d'un pays au sous-sol convoité et d'une armée toute puissante. Les militaires guinéens ont régné sur le pays pendant plus de 24 ans, et pouvaient craindre que leurs prérogatives disparaissent si un président civil était élu. Pas facile, dans ce contexte, de se présenter comme un démocrate.

Pourtant, l'élection d'Alpha Condé a bel et bien eu lieu. D'abord grâce à la pugnacité de Sékouba Konaté. Il a su s'affranchir des luttes intestines qui ont opposé les différents partis politiques. En nommant un général malien à la tête de la Commission électorale indépendante, il a imposé un homme qui ferait enfin l'unanimité dans les camps des deux finalistes. En se posant comme médiateur, il a permis aux électeurs impatients de retourner aux urnes, plus de quatre mois après le premier tour.

Cette soif de démocratie des Guinéens, Sékouba Konaté n'a pas pu l'ignorer. Elle ne lui a pas laissé le choix.

Ils avaient déjà manifesté contre son prédécesseur, Moussa «Dadis» Camara, qui menaçait de se présenter alors qu'il avait promis le contraire lors de son putsch. Le massacre perpétré par les militaires contre ces manifestants pacifistes a marqué ce jour comme un point de non-retour. Le général Konaté savait que le peuple ne laisserait pas passer une nouvelle entorse au pacte qu'il avait passé avec la junte. La communauté internationale non plus.

Une opération séduction internationale

Le remplaçant de «Dadis» a donc fait l'objet d'une opération séduction de la part des chancelleries. Aide technique et financière pour l'organisation du scrutin, formation de militaires, invitations à l'Élysée et au sommet Afrique-France à Nice, Français et Américains se sont coordonnées pour être très présents autour du Général. Barack Obama a même offert un 4x4 blindé à son homologue pour «renforcer sa sécurité», après que les États-Unis ont assuré la formation de sa garde rapprochée.

Car les enjeux étaient importants: la Guinée regorge de ressources naturelles comme la bauxite ou le fer, et la compagnie américaine Hyperdynamics s'intéresse de près au pétrole off-shore. La transition devait s'abréger rapidement pour permettre la signature de contrats avec une autorité qui serait enfin légitime.

Pourtant, des accords miniers continuaient à se négocier. Sékouba Konaté avait laissé les mains libres à son Premier ministre, Jean-Marie Doré, qui se révélait très zélé en signant ces contrats alors que le texte qui régissant la transition l'interdisait.

Ces manoeuvres n'ont pas échappé aux médias. Sékouba Konaté s'est vu soupçonné de profiter de cette période d'incertitude pour se tailler la part du lion, en s'octroyant des commissions généreuses et en cédant des contrats publics de gré à gré à des entreprises avec lesquelles il entretiendrait des liens financiers.

Certains en sont venus à penser qu'il pourrait jouer des affrontements inter-ethniques pour faire intervenir les militaires. Une opération qui lui permettrait de s'accrocher au pouvoir tout en sauvant l'honneur: la faute en aurait incombé aux politiciens incapables de s'entendre.

C'est probablement toute cette attention qui a aussi convaincu Sékouba Konaté de quitter la présidence. Plus habitué aux casernes qu'aux soirées chez l'ambassadeur, le Général préfère être discret.

La cerise sur le gâteau est venue de la Communauté internationale. Alors que l'organisation du second tour s'éternisait, l'Union africaine (UA) a offert à Sékouba Konaté une reconversion comme «Haut représentant de l'UA pour rendre opérationnelle la Force africaine en attente». Un poste aux missions encore floues mais qui tombait à point nommé: rasséréné sur son avenir, Sékouba Konaté serait plus enclin à pousser pour la tenue du scrutin.

La France compte sur le Niger

Du côté du Niger, impossible encore de prédire quel sera l'avenir de Salou Djibo. Le Général qui a mis fin au règne de Mamadou Tandja s'est engagé à céder le pouvoir à celui qui sera élu lors du second tour de l'élection, prévu le 12 mars 2011, soit un peu plus d'un an après son coup d'État. Une réussite pour la France qui, après avoir cherché une assurance des bonnes intentions des putschistes, s'en est faite l'avocate auprès de la Communauté internationale. Les proches de Salou Djibo confient qu'il a déjà reçu des propositions émanant d'organismes panafricains.

Une sortie avec les honneurs, qui redorera l'image de la France. Une fois un gouvernement civil élu grâce à l'aide logistique et financière de Paris, il sera probablement plus facile de coordonner la lutte contre Al-Qaida au Maghreb islamique. Et pour Areva de continuer l'exploitation de l'uranium et ses explorations minières.

Pressions internationales, personnalité complexe, sensibilité particulière des acteurs, changement d'époque; il aura fallu que plusieurs facteurs soient réunis pour que ces transitions réussissent. Reste à savoir s'ils se conjugueront de nouveau pour que ces exceptions deviennent des modèles.

Maureen Grisot

Maureen Grisot

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