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En Gambie, ce sont les billes qui désigneront le nouveau président
Au pays du dictateur gambien Yahya Jammeh, depuis 22 ans au pouvoir, les électeurs voteront à l'aide de billes lors du scrutin présidentiel du 1er décembre.
Dans le monde réel, les billes sont le plus souvent un jeu pour enfants dans la cour de récréation. Mais dans l'univers parallèle de Yahya Jammeh, dictateur à la tête de la Gambie depuis 1994, les billes ont un tout autre poids politique. Les quelque 880.000 électeurs gambiens, qui se rendront aux urnes jeudi 1er décembre pour l'élection présidentielle, voteront à l'aide de billes. Un système unique au monde, mis en place pour permettre aux analphabètes de voter selon le pouvoir gambien.
Mais comment cela fonctionne t-il au moment de désigner son candidat dans l'isoloir?
«Dans le bureau de vote, l'électeur est introduit dans une salle isolée des regards où sont placés trois bidons de métal sur le flanc desquels ont été peints les trois candidats en lice, expliquait le journal Le Monde lors des précédentes élections en 2011. Yahya Jammeh, par exemple, porte des habits verts sur l'illustration, sa couleur fétiche qu'il engage d'ailleurs tout le pays à porter lors de sa prestation de serment, en février 2012. Avant d'en arriver là, l'électeur se trouve face aux bidons électoraux, percés d'un trou. À l'intérieur du bidon, un tuyau canalise la bille jusqu'à une sonnette de bicyclette. Ding! En la heurtant, le son caractéristique informe les assesseurs présents dans la pièce d'à côté que le votant a voté».
La Gambie est l'un des pays parmi les plus pauvres au monde où seulement 51% de la population est alphabétisée, selon l'Unicef. Ce système de billes associées à la couleur de chaque candidat facilite donc la compréhension du vote pour des électeurs peu éduqués. Mais dans une dictature où le régime durement toute opposition, difficile de ne pas voir des risques de fraudes avec cette technique archaïque.
Le vote à billes en vidéo
Un système vieux de 60 ans
Le vice-président de la Commission électorale indépendante, Malleh Sallah, a expliqué au média Voice of America que l'Etat gambien avait imaginé ce système il y a six décennies. «C'est unique et nous sommes très fiers», a t-il ajouté.
Selon plusieurs analystes et membres de la classe politique gambienne interrogés par l'AFP, c'est la première fois que le pouvoir de Yahya Jammeh est sérieusement menacé par un scrutin. Car, malgré les risques permanents d'arrestations, la parole se libère depuis des manifestations en avril pour réclamer des réformes politiques, puis contre la mort en détention de l'opposant Solo Sandeng.
Le chef du principal parti d'opposition, Ousainou Darboe, adversaire de Jammeh aux précédents scrutins présidentiels, et une trentaine de co-accusés ont été condamnés en juillet à trois ans de prison ferme pour participation à un rassemblement illégal. Cette répression a favorisé un rare mouvement d'unité de l'opposition autour d'un candidat commun. «Avec le soutien exceptionnel que nous avons reçu, nous sommes sûrs à plus de 100% de gagner, et avec un large écart», a déclaré Adama Barrow, le nouveau leader de l'opposition, le 29 novembre.
En espérant que les billes aient une trajectoire rectiligne.