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subway (beijing), by ernop via Flickr CC
subway (beijing), by ernop via Flickr CC

La nouvelle colonisation chinoise

En investissant au Bénin, la Chine contribue au développement de l'économie. Mais elle importe massivement sa main-d'œuvre, une concurrence qui commence à inquiéter.

Le Bénin est un ancien partenaire du développement de la Chine depuis le temps du Parti de la révolution populaire du Bénin (PRPB), ex-régime marxiste-léniniste du président Mathieu Kérékou. Mais avec la chute de ce régime à la fin des années 1980, cette coopération s’est ralentie avant de reprendre maintenant du poil de la bête.

Pour Hector Tovidokou, journaliste culturel:

«Dans plusieurs domaines, la Chine a convaincu les gouvernements béninois, c’est-à-dire les pouvoirs qui se sont succédé au Bénin, par les réalisations, son accroissement économique et sa percée historique dans le concert des grandes puissances économiques.

Si le nombre de Chinois résidant au Bénin est passé de 1.000 à 100.000, c'est parce que le Bénin a signé plusieurs contrats de partenariat avec le pays du Milieu dans plusieurs domaines.»

Le palais des Congrès, le nouveau ministère des Affaires étrangères, la numérisation du réseau téléphonique, le centre de développement économique et commercial de la Chine sont, entre autres, le fruit de la coopération sino-béninoise. A cela il faut ajouter la construction de l’échangeur de Cotonou qui est l’une des réalisations phares du président Boni Yayi.

Du reste, lors de sa visite officielle en Chine, celui-ci avait invité les entreprises chinoises à investir au Bénin:

«Le Bénin appartient au même Golfe de Guinée que le Nigeria, le Cameroun, le Congo, la Guinée, le Gabon. Si tous ces pays ont le pétrole, Dieu ne peut pas avoir été si injuste pour ne pas en donner au Bénin.

Je suis convaincu et je suis prêt à parier que vous trouverez aussi du pétrole dans mon pays. Des blocs sont identifiés et disponibles pour exploration mais nous voulons aller vite, très très vite. Envoyez dès les prochains jours une mission d'études préliminaires au Bénin pour que nous allions très vite», leur avait-il dit, en invitant la China National Offshore Oil Corporation (CNOOC) à participer au projet de construction d'une raffinerie au Bénin.

Et le gouvernement chinois a promis d'appuyer ses entreprises pour qu'elles puissent massivement investir au Bénin.

Une stratégie chinoise tous bénéfices

La politique chinoise est subtile mais insidieuse. Sur le plan politique et diplomatique, elle s’abstient du discours occidental moralisateur et volontiers paternaliste sur les droits de l’homme et les réformes démocratiques. En se basant sur son sacro-saint respect du droit à la non-ingérence.

Sur le plan économique, la délivrance du prêt chinois favorise également l'octroi de tels marchés à des compagnies chinoises de travaux publics qui importent de la main-d'œuvre de Chine. Ce qui lui permet de récupérer indirectement une partie de son financement par l’entremise de ses firmes de BTP, puis de se faire rembourser son prêt par les États débiteurs. De plus, cela emploie ses ressortissants sur place. Une stratégie qui, en définitive, profite à ses entreprises internationales.

Le Bénin fait partie des principaux clients africains de la Chine, à l’instar de l’Afrique du Sud, du Nigeria, de l’Egypte, de la Tanzanie, du Kenya, du Soudan, de l’Algérie ou du Maroc. Et ce n’est certainement pas le fait du hasard si le président Boni Yayi a nommé comme ministre des Affaires étrangères Jean-Marie Ehouzu, un diplomate chevronné et grand connaisseur de l’Asie.

Seulement voila: la nouvelle coopération sino-béninoise qui se traduit par un afflux massif de Chinois au Bénin n’est pas du tout du goût de tous les Béninois. A commencer par ceux dont les secteurs sont aujourd’hui la proie de la concurrence déloyale des «nouveaux amis chinois».

  Il suffit d’aller au marché international de Dantokpa à Cotonou, la capitale économique, pour s’en rendre compte. «Les Chinois sont experts en contrefaçon et ils vendent tout moins cher, ce qui nous cause d’importants manques à gagner», explique Clémentine Adonou, une commerçante de tissus. Et d’ajouter: «Bientôt, il n’y aura plus que des Chinois dans ce pays, et nous, nous serons déjà morts, parce qu’ils auront tué nos commerces.»

Retour de bâton pour les Béninois

Les Chinois de Cotonou sont quasiment dans tous les secteurs. De la restauration au BTP en passant par l’agro-alimentaire ou l’électroménager, pour ne citer que ceux-là. Avec leur concurrence déloyale qui fait exploser les prix, cela ne va pas sans réjouir bien des Béninois. Surtout les «petits budgets» qui se voient ainsi soulagés face à la cherté de la vie.

Mais tous s'accordent à penser que les Chinois, quels qu’ils soient, ont une propension à vivre repliés sur eux-mêmes comme s’ils méprisaient les ressortissants du pays hôte. Une situation qui ne va pas tarder à compliquer les relations, au fur et à mesure de la mise en place des mécanismes de la nouvelle colonisation chinoise.

«Nous savons ce que nous avons subi avec la colonisation française, mais nous ne savons pas ce que nous allons subir avec la nouvelle colonisation chinoise. C’est à croire que nos dirigeants sont à bout d’imagination pour faire de notre continent l’avenir du monde plutôt que de le brader au premier venu», se désole un panafricaniste béninois.

Marcus Boni Teiga

 

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Marcus Boni Teiga

Ancien directeur de l'hebdomadaire Le Bénin Aujourd'hui, Marcus Boni Teiga a été grand reporter à La Gazette du Golfe à Cotonou et travaille actuellement en freelance. Il a publié de nombreux ouvrages. Il est co-auteur du blog Echos du Bénin sur Slate Afrique.

Ses derniers articles: Lettre à mon cousin Barack  A-t-on vraiment voulu tuer Boni Yayi?  Il faut privilégier les Bleus évoluant en France 

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