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Alger, le meilleur allié de Damas?
Après plus d'un an de répression en Syrie, la Ligue arabe prend position. Une posture qui ne plait pas forcément au pouvoir algérien.
Mise à jour du 23 juillet: «Alger s’oppose au départ forcé de Bachar El Assad alors que la Syrie s’enfonce de plus en plus dans la guerre civile, rapporte le site Dernières nouvelles d'Algérie. L’Algérie aurait émis des réserves sur le troisième paragraphe de la décision de la Ligue arabe réunie dimanche 22 juillet qui a «appelé le président syrien à renoncer au pouvoir», indique l’agence de presse officielle APS.
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Si un mot devait résumer la posture des régimes arabes depuis le début de la contestation en Syrie, ce serait le silence. Un silence à rompre face aux cris du cœur des civils syriens, écrit le quotidien algérien El Watan. Le dernier bilan présenté par les ONG évoque plus de 3.500 morts en Syrie depuis le début de la contestation à Der’aa, au sud du pays, en mars dernier.
«Nos vénérables représentants dans ce conglomérat de régimes fermés semblent ne pas entendre les cris du cœur des milliers de Syriens martyrisés par leur tyran de président. Ils ne sont même pas capables, ne serait-ce que de fermer la porte de la Ligue arabe», affirmait le quotidien algérien quelques heures avant le vote de la suspension de la Syrie au sein de l'organisation des pays arabes le 12 novembre.
Cette sortie médiatique de la Ligue arabe apparaît avant tout comme un coup, une sorte d’accélération, dont la Ligue arabe n’est pas habituée. Ne pas intervenir dans les affaires intérieures de ses membres est davantage une constante dans l’histoire de cette organisation créée au Caire le 22 mars 1945. Sauf que le 12 novembre 2011, la Ligue arabe décide de suspendre la Syrie et exhorte les 22 membres de l’assemblée à rappeler leurs ambassadeurs. Une décision qui est devenue effective à partir du 16 novembre, lors de la réunion d'urgence organisée à Rabat au Maroc.
La Ligue arabe, un miroir du monde arabe?
Depuis sa création, la Ligue arabe a toujours été le théâtre de divisions et victime de visées hégémoniques de la part de certains ses membres. La mollesse de cette institution révélait donc un état de fait, celui d'un monde arabe divisé malgré le désir lointain mais jamais durablement assouvi de nation arabe.
Cette fois, c’est le Qatar et plus largement les Etats du Golfe sunnites qui semblent mener la danse, ce qui n’échappe pas à la presse algérienne. A l’instar de l’aventure libyenne, le Qatar semble vouloir jouer un rôle majeur dans l’offensive contre Damas.
«Le Qatar est, en effet, devenu, ces dernières années, une sorte de leader sur la scène arabe, coiffant sur le poteau les traditionnels poids lourds, tels que l’Égypte, préoccupée par son Printemps arabe. L’émirat s’est d’autant plus aventuré dans cette voie, qu’il a reçu l’onction des Occidentaux. Et il n’en est pas à son premier coup puisque sans l’émir du Qatar, l’Otan n’aurait pas pu intervenir en Libye.»
Damas menacé, Alger embarrassé
Vu d’Alger, il n’est jamais bon de voir un proche allié de l’Algérie sous les feux de la Ligue arabe et de la communauté internationale. Depuis le vote de la suspension, Alger se démarque en appelant à une sortie de crise arabe et en ne rappelant pas son ambassadeur à Damas. On dit la diplomatie algérienne timide dans ses positions à l’égard de Damas. Mais c’est peut-être oublier les liens historiques qui lient les deux Etats.
Sauf que cette position partisane d’Alger dérange le Premier ministre du Qatar Cheikh Hamad Bin Jassim Bin Jabr Al Thani qui s’entretient avec son homologue algérien lors du vote.
«Ne défendez pas trop la Syrie car quand votre tour arrivera, vous aurez certainement besoin de nous», aurait sèchement lancé le ministre qatari.
Cet «incident», avéré ou supposé, révèle en tout cas une diplomatie algérienne embarrassée dans la gestion de la crise syrienne.
«Pathétique», écrit un éditorialiste d’El Watan.
«Après avoir voté une résolution contre le régime de Bachar al-Assad, solidairement et à une majorité écrasante, des membres de la Ligue arabe trouvent à redire et d’autres émettent des réserves, tous, ou presque, exprimant des craintes quant à une intervention étrangère en Syrie.»
Mouammar Kadhafi cache les yeux du président algérien lors d'un sommet arabe en 2005. REUTERS
La Ligue arabe rattrapée par le soulèvement des peuples
Mais ce que soulève l’éditorialiste, c’est la menace qui pèse sur chaque régime, après le départ des trois dirigeants, dont les pouvoirs semblaient immuables. Le départ de Ben Ali, Hosni Moubarak et la mort de Mouammar Kadhafi marquent les consciences de ces dirigeants arabes, qui espèrent tous mourir sur leur trône. Les doigts se lèvent, avec la crainte que la prochaine fois ce sera leur tour. La Ligue arabe donne donc l’impression de s’activer pour trouver une solution arabe à la crise, notamment par l’envoi de 500 observateurs en Syrie et la tenue du sommet de la dernière chance à Rabat le mercredi 16 novembre. Un sommet à l’issue duquel la Ligue arabe s’est déclarée «contre toute intervention étrangère en Syrie» tout en appelant à des mesures urgentes pour mettre fin à l'effusion de sang. Un ultimatum a certes été lancé à Bachar el Assad mais cette prise de position est insuffisante pour l'opposition syrienne qui attendait sûrement plus de cette réunion à Rabat.
«L’organisme de paix et de concorde» dont parlait le président de la délégation égyptienne le 22 mars 1945 a déjà failli à sa mission originelle avec plusieurs décennies d’absence.
Nadéra Bouazza
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