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La femme qui délivre les Libériennes

La guerre civile et les crimes de guerre ne sont pas un sujet très facile à aborder dans une émission humoristique. Pourtant, John Stewart a relevé le défi dans son Daily Show, l’une des émissions américaines les plus regardées, en invitant l’une des lauréates du prix Nobel de la Paix 2011, la Libérienne Leymah Gbowee, le 14 novembre.

Cette activiste libérienne, de confession protestante luthérienne, a lutté pour mettre fin à la guerre civile en 2003 en créant un mouvement pacifiste de femmes qui priaient tous les jours, faisaient des sit-ins et même la grève du sexe. Obligeant le président de l’époque, Charles Taylor, à les associer au processus de paix.

Elle raconte avec humour le jour où les autorités l’ont arrêté. Les négociations de paix ne menaient à rien, alors elle s’est rendue sur place: 

«La sécurité m’a arrêté. J’ai dit: ‘je vais vous faciliter la tâche, je vais me déshabiller’. Alors, j’ai commencé à ôter mes vêtements. Peut-être ont-ils eu peur de ce qu’ils ont vu, mais ils se sont enfuient!», raconte-t-elle provoquant les rires des spectateurs.

Cette femme de caractère qui a fait l’objet d’un film en 2008, Prie pour renvoyer le diable en enfer, et vient de publier son autobiographie, Que nos pouvoirs soient puissants, évoque avec simplicité les épisodes les plus dures, pour montrer à quel point la réalité du Liberia est complexe et la réconciliation le sera d’autant plus:

«J’ai perdu mon fils dans la guerre, et ma fille s’est réfugié dans un camp. Elle m’a recontacté dix ans plus tard, en me disant qu’elle était mariée avec un pasteur et avait deux enfants. Je lui ai dit, envoie-moi une photo de ta famille. J’ai reçu la photo, et j’ai vu que son mari était en fait l’assassin de mon fils. Ils étaient supposés venir habiter dans ma maison.»

Un dilemme s’est alors imposé à elle:

«Dois-je dire à ma fille que son mari est l’homme qui a tué son frère, ou dois-je continuer à le pleurer en silence. Je n’avais pas la réponse à cette question.(…) Dans chaque communauté, vous avez des histoires similaires», ajoute-t-elle.

Celle qui est surnommée «la guerrière de la paix» encourage les femmes à parler des horreurs de ce conflit pour se délivrer de cette période et vivre à nouveau. Elle a justement été chargée de diriger une «initiative nationale pour la réconciliation», par Ellen Johnson Sirleaf, la présidente libérienne réélue au second tour avec plus de 90% des voix le 8 novembre dernier, et avec qui elle partage le prix Nobel.

En réaction aux manifestations de l’opposition libérienne réprimées violemment à la veille du second tour du scrutin, Gbowee affirme sa volonté que tous les partis acceptent les résultats de l’élection afin que le pays puisse aller de l’avant. Elle espère que le rôle de médiateur de l’archevêque sud-africain Desmond Tutu parviendra à les convaincre. Elle termine en confiant que ce qu’il s’est passé durant les élections, il y a quelques jours, «nous a montré combien la paix est très fragile.»

Vu sur The Daily Show

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