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Le Sud-africain Van Niekerk fête sa victoire en finale du 400m aux JO de Rio, le 15 août. Johannes EISELE / AFP
Le Sud-africain Van Niekerk fête sa victoire en finale du 400m aux JO de Rio, le 15 août. Johannes EISELE / AFP

Derrière les records de Rudisha et Van Niekerk, la méthode douce des grands-parents

Les deux athlètes sacrés à Rio ont des entraîneurs aux profils peu habituels.

Qu'ont en commun le Kényan David Rudisha et le Sud-africain Wayde van Niekerk? Beaucoup de choses. D'abord une médaille d'or aux Jeux olympiques de Rio, le premier sur 800m, le second sur 400m. Ensuite, ils ont chacun battu le record du monde de leur discipline aux JO. C'était en 2012 à Londres pour David Rudisha qui avait ébloui le monde entier en signant le meilleur temps de l'histoire en 1:40.91 min sur le double tour de piste en partant tout seul loin de l'arrivée – une stratégie très souvent suicidaire sur 800m. Wayde van Niekerk a lui battu le vieux record mythique de Michael Johnson , en bouclant son tour de piste avec un incroyable chrono de 43.03 secondes, lundi 15 août. 

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Mais dans les coulisses de leurs performances, les deux stars africaines des épreuves d'athlétisme au Brésil partagent un autre point commun: celui d'être entraînés par des coachs qui pourraient être leurs grands-parents. David Rudisha est conseillé par un mythe du demi-fond kényan, le frère Colm O'Connell, 67 ans. Un religieux irlandais qui a posé ses valises dans la bourgade d'Iten sur les hauts plateaux, en 1976. Van Niekerk est lui à l'écoute d'une femme, Ans Botha, 74 ans, ancienne sprinteuse qui faisait aussi du saut en longueur, mais aussi arrière-grand-mère de quatre enfants. 

Mais plus que leur âge, c'est la méthode douce d'entraînement prônée par Colm O'Connel et Ans Botha qui structure leurs champions. 

«Nous travaillons pallier par pallier»

J'avais rencontré Bro O'Connell, comme ses athlètes le nomment, dans sa maison qui jouxte la Saint-Patrick High School, en 2011. Il avait déjà, derrière ses grosses lunettes, cet air de vieillard malicieux à la modestie aussi grande que le palmarès des athlètes qu'il a formé. 

«Notre méthode est différente de celle des Européens. Ici, nous travaillons pallier par pallier, en laissant les jeunes grandir à leur rythme. Il n'y a pas de charge de travail excessive. La formation d'un athlète talentueux ne débute pas avant 13-14 ans. Il ne faut pas que l'entraînement soit trop sérieux au début, la technique s'introduit au fil des ans. Je crois beaucoup au travail psychologique. J'ai une relation humaine très forte avec mes champions», me confiait-il. 

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Treize des coureurs qu'il a entraîné ont déjà glané une médaille olympique. Autre record, en 1988, dix athlètes de la Saint-Patrick School, dont Colm O'Connell est l'entraîneur en chef, ont participé aux JO de Séoul.

«A la Saint-Patrick School, nous ne formons pas seulement des athlètes. Notre travail est d'abord d'éduquer intellectuellement nos élèves. Chez nous, un grand coureur est d'abord un bon élève», racontait l'Irlandais au milieu de son salon, aux murs ornés de médailles et clichés à la gloire de ses champions.

Un «rôle maternel et protecteur»

En Afrique du Sud, Ans Botha dorlotte Wayde van Niekerk, le nouveau phénomène de l'athlétisme mondial, avec la même philosophie. Cela fait bientôt quatre ans qu'ils travaillent ensemble. 

«Depuis bientôt quatre ans, la coach et arrière-grand-mère sud-africaine de 74 ans joue un "rôle maternel et protecteur", à en croire son protégé. C’est elle qui l’a orienté sur 400 m afin de préserver ses ischio-jambiers mis à rude épreuve sur les distances inférieures. Une "torture", selon l’intéressé, qui n’apprécie guère le travail d’endurance», explique Le Monde Afrique.

«Le sprinter sud-africain et détenteur du record du monde du 400m, Wayde van Niekerk, est entraîné par une arrière-grand-mère de 74 ans.»

«Il faut beaucoup parler, manger avec eux»

Bourré de talent depuis son adolescence, Wayde van Niekerk a longtemps été perturbé par les blessures. Mais depuis qu'Ans Botha s'est penchée sur son cas, sa progression s'est accélérée. «J'ai confiance en elle. Elle sait ce qu'elle fait, elle s'adapte à vous et vous donne tout. Surtout, à son âge elle continue de vouloir apprendre», disait Van Niekerk à la presse après son sacre olympique lundi 15 août. 

Cette relation de confiance et une méthode d'entraînement progressive qui vise à préserver le corps de l'athlète sur le long terme est l'une des clés du succès de David Rudisha et Wayde van Niekerk. À la Saint-Patrick High School, mêmes les meilleurs coureurs n'ont qu'une séance au programme au quotidien. Et Colm O'Connell a un groupe restreint d'athlètes directement sous ses ordres, pour mieux échanger avec eux.

«Je n'en ai que 3 ou 4. C'est une énorme responsabilité. Il faut pouvoir leur donner une attention individuelle. Il n'y a pas que l'entraînement, il faut beaucoup parler, manger avec eux, regarder la télévision avec eux...», explique le prêtre irlandais.

Un beau discours à l'heure du sport-business et de la course aux médailles. Mais surtout, une méthode qui fonctionne. 

Camille Belsoeur

Journaliste à Slate Afrique. 

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