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David Rudisha (à droite) ou encore Julius Yego (au centre) veulent jouer les premiers rôles aux JO. TONY KARUMBA / AFP
David Rudisha (à droite) ou encore Julius Yego (au centre) veulent jouer les premiers rôles aux JO. TONY KARUMBA / AFP

Les dix Africains qui risquent de faire parler d'eux à Rio

En course de fond, mais pas seulement, les athlètes d'Afrique ont l'occasion de briller au Brésil.

Les sportifs africains ont de grandes chances de médailles, en athlétisme et en natation pour les Jeux olympiques qui débutent vendredi 5 août au Brésil. Mais pas toujours où on les attend. Petit tour des Africains à surveiller à Rio de Janeiro pendant deux semaines.

1. Genzebe Dibaba, la revanche de Londres

Christian Petersen / GETTY IMAGES NORTH AMERICA / AFP

L'Éthiopienne de 25 ans court dans les pas de sa soeur aînée Tirunesh Dibaba, triple championne olympique sur 5.000 et 10.000m. Genzebe, elle, s'est fait une spécialité du 1.500m, dont elle a fait tomber le record lors de l'étape monégasque de la Ligue de Diamant en juillet 2015. Mais en battant le record vieux de 22 ans de la Chinoise Qu Yungxia, l'athlète éthiopienne a éveillé les soupçons. Car en 1993, l'équipe chinoise, surnommée l'armée de Ma en référence à son entraîneur Ma Junren, avait établi des performances extraordinnaires lors d'une période noire de l'athlétisme, comme le rappelle L'Équipe. Depuis, plusieurs athlètes avaient avoué s'être dopé, donnant au record une dimension inatteignable.

«Je ne connais pas l’histoire de ces Chinoises, avait rétorqué Genzebe Dibaba reprise par l'Équipe. Je travaille dur, je suis contrôlée régulièrement, et ma préparation fait en sorte de m’amener là où je suis.» Mais la rumeur a vite ressurgi, surtout lorsque son propre entraîneur, Jama Aden, a été arrêté en juin dernier en Espagne après que la police catalane a retrouvé de l'EPO, un produit dopant, dans son hôtel... Mais à Rio, l'athlète éthiopienne tentera surtout de prendre sa revanche. En 2012, à Londres, elle était promise à une belle performance sur 1.500m, après avoir remporté championnat du monde en salle. Mais à quelques centaines de mètres de l'arrivée, l'Éthiopienne avait subi une blessure au tendon, la forçant à ralentir et à terminer dixième de la course. Éliminée, elle avait dû quitter le stade en larmes et en chaise roulante.

2. David Rudisha, pour un doublé historique

FRANCK FIFE / AFP

Lorsqu'on parle de 800m, son nom sonne comme une évidence. En 2012, le Kényan de 27 ans avait ébloui le public londonien en décrochant l'or accompagné d'un record du monde, à 1'40"91. Quatre ans plus tard, il a tout pour rééditer son exploit, ou tout du moins pour conserver son titre, lui qui reste sur une victoire sur la même distance aux championnats du monde 2015. D'autant plus qu'une deuxième couronne olympique d'affilée le ferait rentrer encore plus dans la légende, puisqu'il serait le premier à réaliser un tel doublé depuis le Néo-Zélandais Peter Snell aux Jeux olympiques de Rome en 1960 puis de Tokyo en 1964. Si les performances de David Rudisha sont en légère baisse par rapport aux années précédentes, il n'en reste pas moins l'un des favoris de la sélection kényane.

Comme beaucoup d'athlètes du Kenya, David Rudisha a été formé par un homme peu connu et que l'on ne s'attendrait pas à croiser à Nairobi: Colm O'Connell, un ancien professeur de géographie irlandais, devenu religieux puis entraîneur. Installé au Kenya depuis 1976, le sexagénaire dirige la Saint Patrick's High School à Iten, dans l'Ouest du pays. «Je ne connaissais rien à l’entraînement quand j’ai commencé, mais j’ai appris en regardant les athlètes», explique Brother O'Connell dans un documentaire intitulé Man on a Mission. En tout, ses élèves ont gagné plus de 30 médailles depuis quarante ans. Mais c'est bien David Rudisha qui représente à ses yeux la plus grande réussite de l'école: «Tous les entraîneurs aimeraient avoir connu un David Rudisha dans leur vie, la plupart n'en ont jamais eu», reconnaît-il dans une interview au Financial Times.

3. Isabelle Sambou, dernier tour de piste

YURI CORTEZ / AFP

Au Sénégal, la lutte est un sport ancestral, connue sous le nom de làmb en wolof. Dans le reste de l'Afrique, chez les femmes de moins de 48 kg, son ambassadrice se nomme Isabelle Sambou. «La lutte traditionnelle, c'est dans les villes et les villages, alors qu'avec la lutte olympique, tu défends les couleurs de ton pays dans le monde», expliquait-elle à l'AFP lors de son entraînement à Thiès. Neuf fois championne d'Afrique, elle se prépare à participer aux Jeux Olympiques pour la seconde fois seulement après Londres. En 2012, la Sénégalaise avait échoué aux pieds du podium, sans rougir. Sa cinquième place devenait la meilleure performance africaine dans la discipline, hommes et femmes confondus. En 2015, la Fédération internationale de lutte l'a logiquement élue meilleure lutteuse africaine de la décennie.

À 35 ans, Isabelle Sambou sait que Rio sera la dernière étape de sa carrière olympique, et un de ses derniers vrais défis. Mais la lutteuse sait aussi qu'elle a toutes les cartes en main. Elle a même fait appel à des entraîneurs d'Europe de l'Est, comme Nikolai Minchev, originaire de Bulgarie, véritable terre de lutteurs. «Isabelle est l'athlète la plus expérimentée du circuit. Elle a de très bons appuis, est très offensive et défend très bien. Tout est réuni pour qu'elle obtienne une médaille, peut-être en or, cet été», explique-t-il, confiant. Une médaille qui viendrait à point pour couronner la carrière de la lutteuse, nommée en 2013 ambassadrice du Super 8, un programme qui encourage les femmes africaines à se lancer dans la lutte.

4. Taoufik Makhloufi, vrai-faux départ

ADRIAN DENNIS / AFP

Le tenant du titre sur 1.500m a fait une belle frayeur à ses dirigeants, et même à tout son pays. Alors qu'il était attendu comme le Messie de l'athlétisme algérien, Taoufik Makhloufi avait réussi à décaler son départ pour Rio, pour pouvoir s'entraîner plus longtemps en France. Avant de disparaître totalement des radars fin juillet, ne daignant même pas préciser à la fédération la discipline dans laquelle il souhaitait concourir. En effet, l'Algérien de 28 ans s'est qualifié pour les minimas du 800m et du 1.500m et aurait donc pu disputer les deux compétitions, si elles n'étaient pas aussi rapprochées dans le temps. Après que l'athlète a fini par redonner signe de vie et que la délégation a annoncé son arrivée pour le 5 août, la fédération a annoncé par erreur qu'il courrait sur 800m et qu'il ne défendrait donc pas son titre sur 1.500. Une erreur vite corrigée, comme l'explique le Huffington Post Maghreb, pour que l'Algérie ait bien un représentant sur la distance.

Aux Jeux de Rio, Makhloufi pourrait donc réussir la passe de deux, mais surtout rectifier le tir par rapport à sa médaille de 2012. À l'époque, les critiques avaient fusé après sa victoire en finale du 1.500m. Deux jours auparavant, il s'était pourtant illustré de triste manière lors du 800m, refusant de courir les derniers mètres et faisant demi-tour en signe d'abandon. La fédération internationale d'athlétisme l'avait alors disqualifié... avant qu'il ne brandisse un certificat médical expliquant qu'il ne pouvait pas courir le 800m, mais qu'il serait rétabli fort heureusement pour la finale du 1.500m. Une finale qu'il gagnera haut la main malgré sa convalescence, laissant ses concurrents sur le carreau.«J’ai encore un peu mal, avait-il déclaré, repris par Libération. Mais vous savez, quand on dispute une finale olympique, on oublie ses douleurs et ses tracas.» Il vaudrait mieux surtout qu'il se concentre sur la compétition qu'il attend désormais.

5. Caster Semenya, une question d'honneur

TIZIANA FABI / AFP

Sur le 800m dames, Caster Semenya est quasiment imbattable. Au point que certaines lui reprochent de ne pas favoriser «une course ouverte», comme la recordwoman du marathon Paula Radcliffe. «J'ai peur que si l'on en parle en ne s'attendant à aucun autre résultat qu'une victoire de Semenya au 800m, alors ce n'est plus du sport», a-t-elle déclaré au micro de la BBC. Une polémique de plus au sujet de la coureuse sud-africaine, à seulement 25 ans. En 2009, elle est soupçonnée de n'être pas une femme, mais un homme, ce qui expliquerait ses performances nettement au-dessus des autres. Beaucoup de pression sur les épaules d'une jeune femme de 18 ans à l'époque. En réalité, son taux de testostérone trois fois supérieur à la moyenne la classe parmi les femmes atteintes d'hyperandrogénie, sans pour autant que cela remette en cause leur genre. Mais la fédération internationale d'athlétisme avait tout de même exigé qu'elle prenne un traitement hormonal lourd.

Les performances de Semenya s'en sont peut-être ressenti, puisqu'elle est passé d'une médaille d'argent à Londres en 2012 à des temps très moyens en 2014. Après avoir songé à arrêter, la coureuse s'est finalement mise au vert, dans la ville de Potchefstroom au Nord-Ouest de l'Afrique du Sud. «Ici, il n’y a pas grand-chose à faire à part étudier et s’entraîner, mais c’est très bien ainsi», racontait-elle en 2015 dans un entretien au Monde. Avec un nouveau coach et un nouvel entraîneur, Caster Semenya a pu relever la tête et oublier l'épisode douloureux qui l'a «blessée» et «humiliée». Après une triple victoire aux championnats nationaux, elle a enchaîné avec un triplé en Diamond League à Doha, Rabat puis Rome. Elle tient toujours la meilleure performance de l'année sur 800m avec 1'56"64.

6.  Abdoulrazak Issoufou Alfaga, l'espoir du Niger

Quarante-quatre ans. Depuis les Jeux olympiques de Munich en 1972, et la médaille de bronze du boxeur Issaka Dabore en demi-finale, le Niger rêve d'une médaille. Et cette fois, il le touche du doigt, avec sa pépite Abdoulrazak Issoufou Alfaga, colosse de presque 2,05 mètres, et grand espoir du taekwondo. À seulement 19 ans, il avait chipé le titre à Anthony Obame lors des Jeux africains, à la surprise générale. Le Gabonais, médaille d'argent à Londres en 2012, l'avait pourtant battu quelques mois auparavant aux championnats d'Afrique.«Obame, c’est mon champion. Il m’a donné le courage de continuer le taekwondo, expliquait Alfaga dans un entretien à RFI. Mais je n’ai pas le choix : je dois le battre ! Je viens d’une région de guerriers. Chez moi, on ne perd pas deux fois contre la même personne.» 

Par sa taille et son potentiel, Abdoulrazak Issoufou Alfaga fait penser à Daba Modibo Keïta, le champion malien chez les poids lourds en 2007 et 2009. De quoi l'affubler du surnom «Daba Junior», lui qui s'entraîne pourtant loin du continent, au sein du club réputé du TCC Friedrichshafen en Allemagne. Sa préparation avance bien depuis quelques mois, malgré l'impossibilité pour lui de continuer sa formation par manque de moyens. «C’est vraiment dur… Sans moyens, le sport de haut niveau n’existe pas, raconte-t-il à RFI. Je fais de mon mieux. Ça fait quatre ans que je combats pour mon pays. Je ne baisse pas les bras.» Avec raison, puisqu'en arrivant deuxième au tournoi de qualification olympique, Daba Junior a réussi l'exploit de qualifier son pays directement pour des Jeux olympiques, une première dans l'histoire sportive du Niger.

7. Murielle Ahouré, la flèche ivoirienne

KARIM JAAFAR / AFP

Non, il n'y a pas que des Jamaïcains et des Américains à la tête du sprint mondial. Le 14 mai 2016, l'Ivoirienne Murielle Ahouré a tenu à le rappeler, en signant une victoire sur 200m lors de l'étape de Shanghaï de la Diamond League, puis en signant la meilleure performance mondiale sur 100m à Monteverde, le 11 juin. En sprint, elle n'est pas la seule à tenter sa chance, puisque Marie-Josée Ta Lou, ainsi que Ben Youssef chez les hommes, seront également dans la compétition. Mais il apparaît assez clair que seule Murielle Ahouré peut imaginer détrôner la fusée jamaïcaine Shelley Fraser-Pryce. Et si Fraser-Pryce a d'ores et déjà laissé tomber le 200m, la voie n'est pas non plus tout à fait libre pour Ahouré. Une autre Jamaïcaine, Elaine Thompson, vise également la médaille d'or, après avoir réalisé la meilleure performance mondiale de l'année.

Quoi qu'il en soit, Murielle Ahouré est déjà très reconnaissante de pouvoir défendre les couleurs de la Côte d'Ivoire à Rio. Ce n'était pas gagné d'avance. À l'âge de deux ans, elle a dû quitter le pays en pleine crise politique pour les États-Unis, où elle a grandi et s'est entraînée. Il a fallu attendre 2012 pour qu'elle puisse régler sa situation et que les autorités la laissent enfin courir pour son pays de naissance. Fin 2015, elle s'était également fait peur avec une blessure au genou qui avait nécessité huit mois d'absence. «Je me sentais bien, je suis juste contente de pouvoir courir aujourd’hui», avait-elle déclaré à L'Équipe après sa victoire en mai. À Rio, la sprinteuse de 28 ans sera la porte-drapeau de la délégation. Comme un symbole.

8. Chad Le Clos, un papillon dans l'eau

MARWAN NAAMANI / AFP

Il est la star sud-africaine de ces Jeux olympiques. Le nageur Chad Le Clos, médaillé d’or sur 200 m papillon en battant Michael Phelps sur le fil lors des JO de Londres en 2012, ce natif de Durban peut encore espérer décrocher le gros lot à Rio. Champion du monde à Kazan en Russie en 2015, il est le favori à sa propre succession. Il peut rêver d’un prestigieux doublé avec le 100 m papillon, une distance où il brille également avec des breloques en argent gagnées aux JO 2012 et aux championnats du monde 2015.

En Afrique du Sud où il est une véritable icône dans son sport, un documentaire titré «Unbelievable» lui a même été consacré sur les écrans en juillet. Les Sud-africains espèrent eux une nouvelle médaille.

9. Mohammed Rabii, l'étoile polaire

Boxing AIBA / Flickr

10. Julius Yego, l'anti-coureur de fond

ANTONIN THUILLIER / AFP

Julius Yego est un coureur kényan. Sauf que lui ne court pas 10.000, 1.500 ou 400 mètres. Non, à peine quelques centaines de mètres, et avec un javelot dans la main. C'est d'ailleurs le seul athlète de la délégation kényane à ne pas pratiquer la course à pied. Mais il a pourtant réussi à s'imposer dans un sport dominé par les Scandinaves et les Slaves. Et avec la manière: aux derniers championnats du monde en août 2015 à Pékin, Yego s'est attribué le titre en propulsant son javelot à 92,72m, soit la troisième meilleure performance de tous les temps. Même son entraîneur, le Finlandais Petteri Pilonen, avait du mal à y croire: «Je pensais qu'il ferait 89 mètres, mais pas 92», avait-il avoué au quotidien kényan Daily Nation.

Son lancer peu orthodoxe, terminé à plat ventre juste avant la ligne blanche, donne à sa victoire une dimension plus légendaire encore. Tout comme son histoire, qui commence dans le village de Cheptonon, près de Nandi. «J’ai passé mon enfance à lancer des choses, raconte-t-il au Daily Nation, comme une étrange justification. J’avais l’habitude de jeter des bâtons et des pierres près du village pendant que les autres enfants jouaient à cache-cache.» Mais sa technique, Julius Yego la doit surtout aux vidéos d'Internet, devant lesquelles il s'est entraîné pendant dix ans, ce qui lui vaut désormais le surnom de «YouTube Man». «Tout le monde pense que je devrais gagner une médaille, la première médaille du Kenya en javelot aux JO, racontait Yego lors des Championnats de la police kényane en avril. Même moi, je pense que je vais le faire. J'ai le sentiment que je vais y arriver.»

Camille Belsoeur et Paul Verdeau

Journalistes à Slate Afrique. 

Ses derniers articles: Onze trucs qui arrivent à chaque élection dans une dictature africaine  Les dix Africains qui risquent de faire parler d'eux à Rio  La victoire du Portugal à l'Euro 2016 est aussi un peu celle de la Guinée-Bissau 

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