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Louise Linton posait avec son livre, sans se douter du retour de bâton. FACEBOOK
Louise Linton posait avec son livre, sans se douter du retour de bâton. FACEBOOK

Une Ecossaise ment sur son voyage en Zambie (et se fait lyncher par Twitter)

Louise Linton, une jeune actrice, a publié un extrait de son livre sur son année sabbatique. Mais les inexactitudes du texte rappellent le "volontourisme".

Louise Linton avait 18 ans lorsqu'elle a décidé de partir en mission humanitaire pendant cinq mois en Zambie, sur les rives du lac Tanganyika, afin d'aider «l'un des peuples les plus pauvres du monde». Quinze ans plus tard, l'actrice écossaise vient de publier un livre intitulé Dans l'ombre du Congo, dont le Telegraph a partagé un extrait sur son site. Elle y raconte l'enfer qu'elle a vécu, au coeur de la guerre du Congo et de la «jungle» dangereuse. Le problème, c'est que les Zambiens n'ont pas tardé à réagir sur Twitter.

«Euh, est-ce qu'ils croient toujours qu'on n'a pas Internet en Afrique, dans la «jungle»? Qu'on ne lira jamais ce qu'ils disent sur nous?»

Le hashtag #LintonLies (les mensonges de Linton) s'est répandu en quelques jours, pointant les incohérences géographiques ou historiques du livre. Louise Linton a ainsi confondu la seconde guerre du Congo en 1999 (qui n'a par ailleurs pas touché la Zambie) avec la guerre civile entre Hutus et Tutsis au Rwanda et au Burundi en 1994, et parle curieusement de «mousson zambienne», alors qu'il s'agit d'un pays sans accès à la mer (la mousson est un phénomène lié aux vents tropicaux maritimes.)

«La mousson en Zambie ? Oui, juste après la fonte des neiges»

La «sauveuse blanche aux cheveux d'ange»

Sur Facebook, un pêcheur blanc du nom de Gerard Zytkow, qui habite dans la région depuis des années, a confirmé que Louise Linton a bien été en Zambie pendant la guerre du Congo en 2002... mais pas du tout au cœur du conflit.

«Louise n'était pas à Ndole. Elle était tranquillement à Kasaba. Relativement loin de tout cela. Je le sais parce que j'y étais.»

Sur Instagram, le compte parodique Barbie Saviour, dont nous avions déjà parlé, s'est aussi moqué de Louise Linton, en illustrant un extrait de son livre dans lequel elle parle de la petite orpheline à qui elle fait boire du Coca sur ses genoux.

 
 
 
 

 

Plus généralement, le témoignage de Louise Linton a vite été considéré comme une énième manifestation du phénomène des «white saviours», ces Blancs qui partent en volontariat en Afrique, avec beaucoup de bonne volonté mais souvent sans comprendre les vrais enjeux du continent. Les twittos ont déjà surnommé Louise Linton «White Saviour with Angel Hair», en écho à sa propre description dans le livre: «Muzungu with angel hair», la blanche aux cheveux d’ange. De son côté, après quelques tweets d'excuses, elle a fini par fermer son compte, tout comme son éditrice Wendy Holden.

«Éclipser la voix des Africains, c'est déshumanisant»

Des excuses qui ne convainquent pas Lydia Ngoma, écrivaine zambienne, dans une tribune du Guardian. «Cela n'empêche pas qu'un média a délibérément choisi de publier un extrait de son livre sans vérifier les faits, écrit-elle. Je suis déçue que le Telegraph ait considéré cet extrait comme un vrai témoignage. Si vous voulez connaître l'Afrique, l'Asie ou n'importe quel endroit qui vous intéresse mais qui est mal documenté, visitez-le vous même.»

A lire aussi: Il y a un gros problème avec les gens qui veulent «sauver l'Afrique»

Si Buzzfeed s'est amusé à parodier le récit en inversant les deux pays, la journaliste afro-américaine Karen Attiah a de son côté appelé à plus de visibilité pour les récits et les reportages africains. «Partout, sur le continent et dans la diaspora, des Africains viennent en aide à leurs propres communautés et racontent leurs propres histoires, écrit-elle sur le site du Washington Post, en rappelant qu'au moment de la crise d'Ebola en 2014, beaucoup de groupes locaux s'étaient formés pour lutter, sans la présence des Blancs. Éclipser la voix et les expériences des Africains dans les récits sur l’Afrique crée un terrain fertile pour les œillères et les clichés de pensée et d’écriture sur l’Afrique. C’est déshumanisant, raciste… et surtout vraiment lassant. »

Paul Verdeau

Journaliste à Slate Afrique. 

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