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Un entrepreneur veut fabriquer de la fausse corne de rhinocéros pour combattre le braconnage
Le prix de cette corne de synthèse serait huit fois inférieur à celui de la corne de rhinocéros.
Tout, ou presque, semble déjà avoir été tenté pour lutter contre l'extinction programmée des rhinocéros.
Comme nous le racontions sur Slate Afrique, au rang des solutions diverses mises en place sur le terrain: des ONG anti-braconnage forment des rangers sur le terrain avec des méthodes importées de l'armée américaine, une armée privée protège la plus grande ferme à rhinocéros au monde à Klerksdorp en Afrique du Sud, des drones survolent le parc national du Kruger pour détecter toute intrusion de braconniers, des snipers défendent les hordes au Kenya, et la justice sud-africaine a même levé le moratoire commercial sur la vente de corne de rhinocéros sur le marché intérieur. Dernière idée saugrenue: des organisations de protection de la faune proposent d'envoyer les rhinocéros sauvages en Australie, où ils ne seraient plus menacés par la chasse illégale.
Mais rien n'y fait. Chaque année depuis 2007, le nombre d'animaux tués par les braconniers atteint des records. Plus de 1.000 rhinocéros ont ainsi été tués en Afrique du Sud – où est concentrée 80% de la population mondiale –, en 2014 et 2015. À ce rythme, l'espèce pourrait disparaître d'ici 20 ans.
Made in Pembiant
Mais une nouvelle proposition iconoclaste pour sauver le rhinocéros de l'extinction est née dans la tête d'une entrepreneur américain de la Silicon Valley. Comme le rapporte la revue Outside magazine, Matthew Markus, un homme d'affaires de 40 ans, propose de fabriquer à grande échelle une corne de rhinocéros synthétique pour la vendre sur le marché à un coût huit fois inférieur à la vraie corne de rhinocéros, et ainsi «tuer» le marché noir et le business des braconniers.
Une idée qui séduit sur le papier. Matthew Markus explique que Pembiant, sa start-up peut fabriquer une poudre synthétique très proche de la kératine – la substance que l'on retrouve dans les vraies cornes. Un tour de force qui, selon lui, séduirait les acheteurs au Vietnam ou en Chine, où la corne de rhinocéros à des vertus médicinales.
Dans une vidéo publicitaire, Pembiant s'adresse à une clientèle asiatique et met en avant le fait que sa corne de synthèse apporte plus d'effets bénéfiques pour le corps, tout en préservant le rhinocéros. «Pendant des milliers d'années nos ancêtres ont cru en les effets de la corne de rhinocéros (...) mais les croyances doivent évoluer», affirme Pembiant.
De nombreux détracteurs
De nombreux détracteurs – organisations de protection de la nature, universitaires... – s'élèvent cependant contre le projet de corne de synthèse.
«Nous essayons de dire aux gens qu'acheter de la corne de rhinocéros est contre la loi, et que c'est illégal de transporter de la corne de rhinocéros d'un pays à l'autre. Mais Pembient arrive et dit: "Non, cette corne de rhino est OK"», affirme à Outside magazine, John Baker, le directeur opérationnel du groupe anti-braconnage Wil Aids, qui sensibilise les consommateurs asiatiques aux dégâts du braconnage.
En plus d'envoyer un contre-signal aux opérations de sensibilisations menées depuis des années sur le terrain, les spécialistes estiment que la corne de synthèse ne réduira pas la demande pour la véritable kératine. Car la corne de rhinocéros est aussi un symbole de pouvoir et de richesse en Asie du Sud-Est où afficher ce trophée dans son salon est un signe de réussite, conclut Outside magazine.