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«Je crois que je vais mourir», écrit Loubna Abidar héroïne de Much Loved
Agressée à Casablanca il y a quelques mois, l'actrice marocaine raconte le cauchemar qu'elle a vécu à la sortie du film Much Loved.
Il y a pile un an, l'actrice marocaine Loubna Abidar montait les marches du festival de Cannes aux côtés de Nabil Ayouche, le réalisateur du film Much Loved, sélectionné alors dans le cadre de la Quinzaine des réalisateurs. Applaudi par la critique sur la Côte d'Azur, le film qui met en scène une prostituée marocaine, faisait dans le même temps scandale au Maroc. Dans le livre La Dangereuse, co-écrit avec la journaliste Marion Van Renterghem et qui sort ce 18 mai, Loubna Abidar témoigne du déferlement de violence auquel elle a été confrontée dans son pays natal à la sortie du film. Le journal Le Monde présente les bonnes feuilles du livre.
Extrait.
Mai 2015. Much Loved est sélectionné au Festival de Cannes dans le cadre de la Quinzaine des réalisateurs. Cannes ! (..) Même dans les rêves auxquels nous jouions avec mes cousines à la ferme (...) je n’avais jamais osé formuler un pareil enchantement, celui que désirent toutes les actrices de la planète. Mais les Marocains ne me laisseront pas vivre ce moment. Le tourbillon ne m’emportera pas. Cannes restera une parenthèse glacée, le souvenir d’un vertige et d’un écoeurement. (…) Le lendemain matin, au réveil, ma vie bascule. J’ouvre ma page Facebook et c’est un choc. Un torrent d’insultes. Des menaces de mort. Une vidéo montrant des centaines de personnes manifestant à Rabat contre le film, Nabil et moi. Des photos de moi agrémentées de commentaires ignobles. Des extraits du film falsifiés et montés avec des bouts de vidéos porno. Les "amis" de mon compte Facebook me faisant part de ma trahison et de leur envie de me tuer, oui, de me tuer. Les sites des journaux marocains, déchaînés. On me reproche les gros mots que je prononce dans le film, mais ceux-là sont mille fois pires. Je prends tout en pleine figure, sans rien comprendre.»
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Dans La Dangereuse, Loubna Abidar revient également sur son agression à Casablanca, quelques jours après la sortie du film. Sur le chemin de la gare, trois hommes l'accostent en voiture frappent violemment la jeune femme au visage. Ensanglanté, l'actrice fait le tour des cliniques de la ville qui refusent toutes de la prendre en charge. Même chose au commissariat, où les policiers lui rigolent au nez quand elle veut porter plainte.
Au delà du récit de Loubna Abidar, il s'agit d'une fresque de la violence à laquelle se heurte les femmes qui s'émancipent du pouvoir des hommes au Maroc.