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À Mayotte, la chasse aux migrants est le symptôme des difficultés de l'archipel
Le 101e département français est confronté à un fort flux migratoire en provenance des Comores, l'archipel voisin.
Loin de l'Europe, il se rejoue entre les côtes de Madagascar et de l'Afrique de l'Est, au milieu du canal de Mozambique, une crise migratoire à échelle réduite, mais toute aussi dramatique. Les rives de Mayotte, devenu le 101e département français en 2011, sont distantes de quelques dizaines de kilomètres de celles de l'archipel des Comores, devenu indépendant en 1975. Chaque année, des milliers de Comorais tentent d'entrer illégalement en territoire français, à la recherche d'un emploi, en traversant le détroit en zodiac ou à bord de barques. Nos confrères de Slate.fr avaient pointé du doigt le fait que plus d'immigrés clandestins étaient expulsés chaque année du territoire de Mayotte, que de l'ensemble de la France métropolitaine.
Le flux d'immigration vers le 101e département français ajouté à la forte pression démographique de l'île – la population est passée de 212.000 habitants en 2012 à 226.000 en 2015 et la densité est de 603 habitants au km² – provoque des tensions qui se traduisent notamment par une augmentation des actes xénophobes sur l'île.
Le site de la chaîne France 24 a rapporté mardi 10 mai, qu'«une chasse aux Comoriens» bat actuellement son plein en toute impunité à Mayotte. «Selon la presse locale, près de cinquante maisons de fortune, appelées bangas, ont été détruites, laissant plusieurs familles à la rue dimanche 8 mai dans la ville de Choungui, au sud de l’île. Ces personnes sont originaires de Grande Comore ou d’Anjouan, deux îles de l’archipel des Comores», note France 24.
L'antenne locale de la Cimade, une association française qui défend les droits des personnes étrangères, dénonce également la hausse des actes xénophobes sur l'archipel, en rappelant que des expulsions d'immigrés clandestins – mais aussi des immigrés Comoriens en situation régulière – avaient déjà été organisées par des habitants en janvier 2016.
#Mayotte : la chasse aux étrangers par la population est ouverte… et couverte https://t.co/y2pM3uEUld pic.twitter.com/Yc1EjnpUJd
— La Cimade (@lacimade) 25 avril 2016
«Une guerre de libération»
«Les élus locaux sont restés très silencieux. Aucune indignation ou communication publique n’a été prononcée. Et s’ils ne s’indignent pas devant de tels actes, certains vont même à contre-sens de ce que l’on pourrait attendre d’élus de la République. Ainsi, Bacar Ali Boto, premier adjoint à la Mairie de Mamoudzou, chef-lieu de l’île, évoque "une guerre de libération", même s’il assure ne pas la souhaiter. Mayotte traverse une situation de crise où la déception d’une départementalisation qui n’a pas amené 'l’égalité réelle'. Comme souvent en temps de crise, c’est l’étranger qui devient la cible privilégiée», s'indigne la Cimade.
La situation économique de Mayotte est alarmante. Le taux de chômage atteignait plus de 36% au début de l'année 2016. Dans un article très complet, Le Monde racontait comment la «départementalisation hâtive» de l'archipel avait accentué ses problèmes économiques.
«Il en résulte d’immenses difficultés pour l’Etat à recouvrer l’impôt, une rétraction des bases locatives, une augmentation excessive des taux pour ceux qui s’en acquittent et des risques de contentieux fiscal majeurs en matière d’impôts locaux. La plupart des communes sont en déséquilibre».