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L'Egypte, le test économique du monde arabe

En Egypte, depuis le départ précipité d'Hosni Moubarak en février 2011, la situation économique s'aggrave chaque jour. De l'artisan au produit intérieur brut (PIB) le constat du magazine britannique The Economist  est le même: la réalité d'un pays en restructuration politique et économique s'éloigne des espoirs démocratiques impatients de la révolution.

«Nous nous sommes rendus sur la place Tahrir et aujourd’hui nous n'avons pas de clients», se lamente Hany Abdel-Fattah, un fabricant de tentes du quartier de Bab Zuwayla, au Caire.

Semblable aux autres économies arabes, l'Egypte fonctionne sur un modèle patriarcal, avec  un secteur privé faible et un Etat dominant. Pour la crédibilité de ces systèmes, dont la réussite du modèle turc reste la référence, l'Egypte fait aujourd'hui figure de test pour le monde arabe. 

Le 25 janvier 2011, le jour de la première grande manifestation anti-Moubarak, le Fonds monétaire international (FMI) quittait le Caire en attestant de la bonne santé de l’économie égyptienne. Le PIB égyptien était en hausse de 5%, avec un système bancaire solide. Mais après les révoltes, il s’est effondré de 4% dès le premier trimestre. Une chute brutale de neuf points de l’indice de croissance du PIB, mais qui, au vu de la situation, aurait pu être pire.

«C'est une économie qui peut rebondir», confiait Ratna Sahay directrice de la délégation du FMI en Egypte.

La production industrielle a reculé de 12%. Le tourisme s'est effondré. Les réserves officielles ont chuté de 9 milliards de dollars (6 milliards d’euros) dès le début de l’année 2011. L’actuel gouvernement de transition a estimé qu’il était confronté à un déficit des financements extérieurs de près de 11 milliards de dollars (près de 8 milliards d’euros) au second trimestre. Sans compter les dommages liés à l'insécurité, à la fermeture de la bourse et des banques, la multiplication des grèves ou de l'effondrement des investissements.  

En réponse, parmi les mesures prises en urgence, on constate un impôt sur le revenu plus élevé pour les gros salaires, l’augmentation du salaire minimum réhaussé à 118 dollars par mois (environ 81 euros), un programme de logements abordables, et des bourses de formation professionnelle. Des dépenses au total en hausse de 20% au cours des 12 prochains mois en comptant celles liées à l’éducation et à la santé.

La gestion de ce chaos est revenue à un gouvernement intérimaire composé de technocrates, d'opposants politiques et de survivants du régime Moubarak qui prennent des mesures inadaptées pour certaines classes ou tout simplement incohérentes. Ils découvrent par ailleurs les dégâts d'un système économique qui subventionnait le carburant ou les denrées alimentaires.

Des circonstances peu propices pour recouvrer un équilibre économique. Ce gouvernement est gêné par les réformes entreprises par l'ex-président avant son départ, et n’a toujours pas de légitimité aux yeux des Egyptiens. Enfin, il ne bénéficie pas du soutien du conseil militaire.

Certains restent toutefois plus optimistes, car ce gouvernement est parvenu à eviter l'effondrement bancaire et à lever près de 20 milliards de dollars d'aides diverses internationales. L'Egypte a de nombreux atouts: c'est le pays arabe le plus peuplé, il ne dépend pas que du pétrole et offre d'autres choix aux investisseurs. Enfin, il profite d'une situation géopolitique idéale, mais un cinquième de sa population vit avec 2 dollars par jour.  

«Si les choses s'arrangent, nous pourrions être la Turquie dans dix ans. Sinon nous serons le Pakistan en 18 mois», résumait Ahmed Heikal, le président de Citadel Capital, une société de placement.

Ziad Bahaa el-Din, l'ancien président de l’Autorité générale du contrôle financier en Egypte et qui siège aujourd’hui au Parlement, raconte que dans son village, à 400 kilomètres au sud du Caire, plusieurs jeunes ont perdu leur poste et enchaînent les cafés, le portable à la main, en attendant qu'on leur propose un travail.

Lu sur The Economist