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Un jeune crie près de la Place Tahrir du Caire, Egypte, le 30 août 2011. REUTERS/Mohamed Abd El Ghany
Un jeune crie près de la Place Tahrir du Caire, Egypte, le 30 août 2011. REUTERS/Mohamed Abd El Ghany

Waithood: le plus grand drame du monde «arabe»

Oubliées par leurs dirigeants gérontocratiques, les jeunesses révolutionnaires du monde arabe veulent prendre leur revanche.

Waithood. Un concept fascinant retrouvé hier sur le net et inventé par des spécialistes des sciences politiques penchés sur la crise du monde arabe. Waithood, traduire de l'anglais: l'âge de l'attente. Attente de quoi? De tout: emploi, femme, loisir, rire, argent, pouvoir, réussite, la vie. «Attendre» a été analysé comme l'une des principales activités des populations jeunes dans le monde arabe. Et pour bien comprendre le drame, il faut rappeler que «la région arabe compte le deuxième plus grand pourcentage de jeunes du monde.

Les jeunesses arabes attendent

Presque deux Arabes sur trois ont moins de 30 ans, niveau qui n'est dépassé que par l'Afrique subsaharienne. En outre, le Moyen-Orient et l'Afrique du Nord comptent à la fois le plus fort taux de chômage des jeunes et le plus fort taux de chômage global de toute la planète», rapportent une étude et quelques journaux du monde qui veulent comprendre ce qui se passe (et ne se passe pas) dans ce monde «arabe».

Les Waithood «arabes» attendent donc et vieillissent en attendant puis meurent. Les rares solutions sont de se marier (donc se faire attendre par sa femme et donner sens à l'attente de ses propres enfants qui attendent de manger). Ou la religion: transformer l'attente en eschatologie ou messianisme et transformer la vie en étape, et la mort en aboutissement, et l'au-delà comme but de la vie. Mis à part ces deux solutions par le déni ou la libido, il n'en existe pas d'autres. Sauf la révolution. Le concept de Waithood est en effet désormais retenu comme l'un des clefs du «printemps arabe»: les jeunes qui attendent depuis si longtemps sont les premiers à prendre les armes ou l'émeute car cela donne sens à leur vie, leur attente et leur donne le moyen «d'arriver» quelque part même par le désenchantement.

Le printemps arabe est aussi une question d'âge: dans la géographie où il y a le plus de moins de 30 ans au monde, ce sont les vieux qui commandent et détiennent les pouvoirs. Hier, le chroniqueur a parlé de quatre nouveaux partis de… vieux en Algérie. Aucun parti pour les jeunes alors qu'il s'agit de la crise de sens et de participation des jeunes.

Les gérontocrates manquent de vision

Les gérontocrates «arabes» pensent qu'il suffit de donner à manger pour un jeune qui attend du sens, pour que le problème se résolve de lui-même dans la digestion. Vision alimentaire contre manque de visions d'avenir. En Algérie, les Waithood sont légion et millions. Les plus de 70 ans sont une minorité mais elle est écrasante. Toute loi de réformes est faite par des vieux pour des vieux. Les vieux prennent l'histoire, l'Etat, les symboles et le temps et donnent aux jeunes des dinars et des tickets d'attente dans la file d'attente. En face d'eux, les Waithood s'ennuient, mangent mal, n'arrivent plus à rêver, deviennent violents et un jour iront prendre les armes, les cieux, les pierres ou les dents. L'attente ne peut pas être sans fin. A un moment, elle devient demande, puis exigence puis révolution. Quand elle n'est pas récolte, elle est destruction.

Le sujet reste un abîme: comment en est-on arrivé à cette équation où avec du pétrole, du gaz et le plus grand réservoir de jeunes dans le monde, le monde «arabe» est pauvre, violent, sale, pas inventif, fanatique, miséreux, ennuyeux au point que le seul amusement sonore est de se faire kamikaze ?

Kamel Daoud

Cet article a d'abord été publié dans le Quotidien d'Oran.

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Kamel Daoud

Kamel Daoud est chroniqueur au Quotidien d’Oran, reporter, écrivain, auteur du recueil de nouvelles Le minotaure 504 (éditions Nadine Wespieser).

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